Evaluation environnementale et aménagement du territoire

Publié le : 01/09/2005 01 septembre sept. 09 2005

Le principe d'intégrationLes débats préalables à l’adoption de la chartre constitutionnelle de l’environnement ont donné lieu à d’âpres débats relatifs au principe de précaution ou à celui du pollueur- payeur.

Est davantage passée inaperçue la constitutionnalisation du principe d’intégration selon lequel : « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social » [1]

L’exigence d’une prise en compte des incidences environnementales dans la définition des politiques de développement et d’aménagement n’est pas en soi une nouveauté.

Depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature[2], une étude d’impact écologique préalable est requise pour certaines catégories d’aménagements, travaux, activités et installations susceptibles de porter atteinte à l’environnement. L’étude d’impact ne doit pas seulement recenser les effets prévisibles de l’ouvrage sur le milieu récepteur : elle doit aussi proposer des mesures propres à supprimer, limiter et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet pour l’environnement.

L’ordonnance du 3 juin 2004 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement[3] étend l’obligation d’une étude d’impact écologique préalable, en l’appliquant, non plus seulement à des travaux ou aménagements particuliers, mais aussi à l’élaboration de documents de planification, parmi lesquels certaines catégories de documents d’urbanisme.

Ainsi, selon les décrets d’application[4], devront faire l’objet d’une évaluation environnementale :

- les directives territoriales d’aménagement (DTA).

- les schémas de cohérence territoriale (SCOT).

- les plans locaux d’urbanisme (PLU).

S’agissant plus précisément des PLU, l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement sera nécessaire dès lors que la commune concernée n’est pas couverte par un SCOT ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale et que le PLU :

- soit se rapporte à un territoire d’une superficie égale ou supérieure à 5000 ha et comprenant une population égale ou supérieure à 10 000 habitants.

- soit a pour effet de créer, dans des secteurs agricoles ou naturels, des zone U ou AU d’une superficie totale supérieure à 200 ha (seuil ramené à 50 ha dans les communes littorales).

L’évaluation environnementale sera à renouveler pour toute révision du plan d’urbanisme modifiant l’économie générale du document.

Formellement, l’évaluation environnementale sera intégrée dans le rapport de présentation figurant en tête du document d’urbanisme.

Les législations antérieures relatives au POS et au PLU prévoyaient déjà que le rapport de présentation comporte une analyse environnementale[5] ; mais l’obligation est désormais approfondie avec l’exigence de fournir une véritable évaluation environnementale comprenant :

- une analyse de l’état initial de l’environnement, faisant plus particulièrement apparaître les zones susceptibles d’être notablement altérées par la mise en œuvre du document d’urbanisme.

- une analyse des incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du document d’urbanisme pour l’environnement.

- une présentation des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables de la mise en œuvre du document d’urbanisme pour l’environnement.

Cette évaluation environnementale devrait logiquement conduire à ce que le document d’urbanisme intègre des mesures de protection de l’environnement consistant soit au maintien voire au développement des zones naturelles, soit au maintien ou à l’extension des zones urbaines mais avec des prescriptions encadrant le type de constructions et la nature des activités qui pourront s’y installer[6].

Outre les prescriptions générales du document d’urbanisme, la délivrance d’autorisations ou de permis de construire pourrait être conditionnée au respect de prescriptions particulières motivées par référence à l’évaluation environnementale du document d’urbanisme, au regard notamment des mesures compensatoires qui y sont énoncées.

L’évaluation environnementale influera donc nécessairement sur les possibilités d’aménagement et de valorisation des terrains.

L’évaluation environnementale des documents d’urbanisme est également susceptible d’entraîner de nouvelles incertitudes juridiques sur la validité et la pérennité des autorisations d’usage du sol.

Tout d’abord, pourrait se développer un contentieux de l’évaluation environnementale calqué sur le contentieux des études d’impact écologique : ainsi, une analyse incomplète du milieu récepteur, des effets pour l’environnement qui auraient été sous-estimés ou encore des mesures compensatoires inappropriées constitueraient autant d’insuffisances de l’évaluation environnementale propres à entraîner une annulation du document d’urbanisme avec, le cas échéant, des conséquences pour la validité des autorisations et des permis de construire délivrés sur la base du document d’urbanisme annulé.

D’autre part, l’ordonnance du 3 juin 2004 a été prise pour transposition d’une directive européenne du 27 juin 2001[7] : or selon cette directive européenne, les autorités publiques doivent assurer un suivi continu des effets de la mise en œuvre du plan pour l’environnement, en engageant des actions correctrices pour le cas où l’application du plan ferait apparaître des risques environnementaux non décelés lors de l’évaluation initiale ou une insuffisance des mesures compensatoires définies par l’évaluation initiale : l’obligation de corriger les insuffisances de l’évaluation environnementale initiale pourrait ainsi conduire à modifier les possibilités d’aménagement et de construction de certains terrains.

L’exigence d’évaluation environnementale sera particulièrement forte dans les territoires couverts par un site Natura 2000[8].

Dans ce cas en effet, plus qu’une évaluation, le document d’urbanisme devra démontrer que les partis pris d’aménagement respectent les objectifs et les mesures de protection du site Natura 2000, voire même qu’ils y contribuent.

Nul doute que les tribunaux n’hésiteront pas, comme ils l’ont d’ailleurs déjà fait[9], à sanctionner les projets et les aménagements situés à l’intérieur ou au pourtour d’un site Natura 2000 et de nature à entraîner une dégradation de la faune, de la flore ou des richesses naturelles dont l’existence a justifié le classement du site.

Ainsi, toute contrariété entre, d’une part, le document d’urbanisme et, d’autre part, les objectifs et les mesures de protection du site Natura 2000 se traduira par l’annulation du document d’urbanisme avec, là encore, d’éventuelles conséquences sur la validité des autorisations individuelles de construire et donc sur les possibilités d’aménagement et de valorisation effective des terrains.

Toutefois, si elle est correctement mise en œuvre, l’évaluation environnementale devrait permettre une meilleure appréhension des préoccupations d’environnement par les plans d’urbanisme, lesquels pourront davantage répondre à leur vocation de « documents de synthèse du droit des sols » en informant pleinement les propriétaires sur les possibilités réelles d’usage de leurs terrains.

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[1] Article 6 de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 ; JORF 2 mars 2005 p. 3697.

[2] Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 codifiée aux articles L. 122-1 et s. du code de l’environnement.

[3] Ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 modifiant les articles L.122-4 du code de l’environnement et L. 121-10 et s. du code l’urbanisme ; JORF 5 juin 2004 p. 9979.

[4] Décret n° 2005-608 du 27 mai 2005 ; JORF 29 mai 2005 p. 47 et décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 ; JORF 29 mai 2005 p. 73.

[5] Article R. 123-2 du code de l’urbanisme.

[6] Rappelons que les contradictions entre les énonciations du rapport de présentation, les documents graphiques et les règlements de zone peuvent entraîner une invalidation du plan d’urbanisme : voir notamment CE 28 janvier 1991 Cne d’Auriol n° 88791 ; CAA Lyon 12 mars 2002 Christinaz n° 96LY01468.

[7] Directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ; JOCE L 197 du 21 juillet 2001.

[8] Cf. les dispositions spécifiques aux sites Natura 2000 codifiées à l’article L. 414-4 du code de l’environnement.

[9] Pour des premiers exemples de jurisprudence sur cette question : TA Grenoble 7 novembre 1996 FRAPNA Isère nos 953656, 962540 et s. ; TA Caen 9 juin 1998 association Manche Nature n° 97-1201; CE 9 juill. 2001 association fédérative régionale pour la protection de la nature Haut-Rhin n° 234555 ; CE 30 déc. 2002 association fédérative régionale pour la protection de la nature Haut-Rhin n° 232752.





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