La convention de forfait-jours est privée d’effet en cas de retard de l’employeur dans l’organisation de l’entretien annuel, même justifié par des contraintes internes
Publié le :
25/03/2024
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Par un arrêt du 10 janvier 2024 (Cass. soc., 10 janv. 2024, nº 22-13.200), la Cour de cassation confirme sa stricte interprétation des dispositions du Code du travail relatives au forfait-jours, en sanctionnant un employeur qui, malgré des contraintes internes justifiées, avait organisé l’entretien annuel spécifique au forfait-jours avec un retard de deux mois.Dans cette affaire, le Directeur général de l’entreprise avait démissionné le 31 décembre et son remplaçant prenait effectivement ses fonctions le 21 janvier. L’entretien annuel du salarié en forfait-jours se tenait dès le 6 mars.
Trop tard pour la Cour de cassation.
Constatant par ailleurs que le salarié en forfait-jours avait dépassé le nombre de jours prévus dans son forfait trois années de suite et n’avait pas systématiquement bénéficié de ses repos hebdomadaires, les juges reprochaient également à l’employeur de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires permettant de limiter la charge de travail du salarié.
La Cour de cassation justifie sa décision par trois fondements juridiques :
- Premièrement, aux termes de l’article L3121-65 du Code du travail, mais aussi des accords collectifs mettant en place le forfait-jours, l’employeur organise au moins une fois par un an un entretien spécifique avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.
- Deuxièmement, l’article L3121-60 du Code du travail (d’application d’ordre public) prévoit que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié en forfait-jours est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
- Troisièmement, la Cour de cassation s’appuie sur le principe général prévu à l’article L4121-1 du Code du travail pour rappeler que l’employeur garantit la santé et la sécurité de ses salariés.
Les entreprises doivent ainsi retirer trois enseignements de cet arrêt :
- L’employeur doit impérativement organiser les entretiens spécifiques au forfait-jours une fois par an, quelles que soient les contraintes internes ou les absences éventuelles des dirigeants ;
- L’employeur ne peut pas laisser régulièrement un salarié dépasser la durée du forfait-jours ;
- Dès la première alerte du salarié au sujet de sa charge de travail, ou dès lors qu’il n’est pas en mesure de bénéficier de ses temps de repos quotidiens et hebdomadaires, l’employeur doit recevoir le salarié et prendre les mesures adéquates.
De nouveau, la Cour se montre intransigeante sur le suivi effectif et régulier de la charge de travail des salariés en forfait-jours.
Faute pour l’employeur de respecter l’ensemble des prescriptions du Code du travail et de l’accord collectif, le salarié est réputé avoir travaillé 35 heures par semaine et peut ainsi obtenir le paiement d’heures supplémentaires sur les trois dernières années (s’il en a effectivement réalisées), voire de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de santé et sécurité.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Kevin HILLAIRET
Avocat
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
Anne-Sophie LE FUR
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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