La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié
Publié le :
24/09/2007
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Il est classiquement admis que chaque partie au contrat de travail à durée indéterminée puisse y mettre un terme (démission pour le salarié ou licenciement par l’employeur). Hors le cas de la résiliation judiciaire ou l’initiative de la rupture est laissée au soin des Tribunaux, il existe un mode de rupture, chaque jour plus usité, qui consiste pour un salarié à quitter son entreprise au motif que son employeur a manqué à ses obligations contractuelles.
L’art de se faire justice à soi même
L’année 2007 a été féconde en décisions judiciaires relatives à ce sujet, la Cour de Cassation ayant, arrêt après arrêt, dessiné avec précision les contours de ce mode alternatif de rupture du contrat de travail.
Si la rupture est en principe imputable à celui qui en prend l’initiative, nous voici confronté à un cas ou il peut en être différemment.
Un des risques majeurs auquel doit faire face l’employeur est bien évidemment celui de la confusion avec la démission.
Cette dernière se définit comme l’acte unilatéral de volonté par lequel un salarié signifie à son employeur qu’il entend mettre fin à sa collaboration. Elle n’est soumise à aucune condition de forme, seule une volonté claire et non équivoque étant exigée.
Qu’en est-il des démissions avec réserves ?
La démission avec réserves a pu autrefois être analysée comme un « autolicenciement » selon l’expression consacrée par la doctrine. En effet, si la démission venait à être motivée par des griefs à l’encontre de l’employeur, elle serait dès lors équivoque et par conséquent ne pourrait être assimilée à une démission. Faute de démission, il s’agirait alors d’un licenciement, qui, n’ayant fait l’objet d’une lettre motivant le licenciement, ne pourrait être que sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 26 septembre 2002).
Pour mettre un terme à cette « équation infernale » (1), Les Hauts Magistrats de la Chambre sociale de la Cour de Cassation, ont dans une série d’arrêts rendus le 25 juin 2003, déterminés les effets de la prise d’acte par le salarié en opérant une distinction au regard de la réalité du grief invoqué.
Il est désormais établi que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient. Si en revanche, les griefs s’avèrent inexacts, ladite rupture s’analysera comme une démission.
Les risques d’une requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont bien évidemment pas négligeables puisque cette requalification peut engendrer de lourdes conséquences financières pour l’employeur.
Il convient par conséquent que chaque employeur potentiellement confronté à ce type de rupture s’en soucie, au risque de se retrouver systématiquement condamné par les Conseils de Prud’hommes.
Cette vigilance est d’autant plus nécessaire au regard de l’évolution jurisprudentielle chaque jour plus favorable au salarié victime des défaillances de leur employeur.
Arrêts de la Cour de Cassation
Alors que le régime de la démission sans grief paraissait inébranlable, la Cour de Cassation a eu à juger le cas ou un salarié démissionnant sans réserve, se prévalait ultérieurement de manquements de son employeur pour lui imputer la rupture de son contrat.
Par une série d’arrêts rendue le 9 mai 2007, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation vient de préciser que nonobstant l’absence de réserve dans le cadre d’une démission, celle-ci pouvait néanmoins être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur.
Dans des affaires ou des salariés avaient démissionnés sans la moindre réserve puis s’étaient rétractés en invoquant les défaillances de leurs employeurs (non paiement d’heures supplémentaires, rappels de salaires, non paiement de commissions), la plus haute cour a donc jugé que : « attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat ; que lorsque le salarié ( …) remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission. »
Il va de soi que si l’inquiétude des employeurs avisés de cette évolution jurisprudentielle ira croissante dès lors qu’une démission sans réserve peut désormais fonder une action en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, encore faudra-t-il que les manquements invoqués à l’encontre de l’employeur soient réels.
En d’autres termes, la vigilance dans le respect des dispositions contractuelles doit être de mise au risque de se voir condamné pécuniairement en raison de quelques négligences coupables, tel que le retard dans le paiement des sommes dues au salarié.
Cette vigilance est d’autant plus nécessaire que la prise d’acte consomme la rupture, ce qui rend vain une régularisation postérieure, sauf à espérer qu’aucun recours judiciaire ne soit entrepris.
A n’en pas douter, de nouvelles évolutions jurisprudentielles viendront conforter l’employeur dans son intérêt d’appliquer avec rigueur ses obligations à l’égard de ses employés.
(1) Pierre Yves Verkindt, Lamy Social, Bulletin d’actualité, mars 2003
Cet article n'engage que son auteur.
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