Le contradictoire dans la procédure arbitrale mais la motivation non contradictoire de la sentence
Publié le :
22/01/2013
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2013
Les arbitres n'ont pas à soumettre aux parties la motivation de leur sentence avant son prononcé.
Une jurisprudence souple en matière d'arbitrageLes juges ne méconnaissent pas les exigences de la contradiction s'ils se fondent sur aucun fait distinct de ceux invoqués par les parties demanderesses, dont la société défenderesse n'aurait pas été à même de débattre.
Une société française MORGAN met un terme à ses relations commerciales avec trois sociétés tunisiennes. Ces dernières jugent cette rupture des relations commerciales comme étant brutale. Elles engagent une action devant les juridictions tunisiennes.
Un accord est ensuite trouvé entre le principal actionnaire et dirigeant des sociétés tunisiennes d'une part et le président de la Société APAX qui administre un fond d'investissement détenant indirectement le contrôle sur la Société MORGAN, d'autre part.
Selon cet accord les relations commerciales reprennent pendant une durée de trois ans. La société MORGAN s'engage sur certains volumes et en contrepartie, les sociétés tunisiennes renoncent à leur procédure. Le protocole d'accord comprend une clause d'arbitrage ou clause compromissoire.
Les sociétés tunisiennes estiment que MORGAN ne respecte pas ses engagements en termes de volume. Elles saisissent donc l'arbitre désigné dans le protocole pour demander le respect par MORGAN de ses engagements.
La Société MORGAN est ensuite placée en redressement judiciaire. Les sociétés tunisiennes concluent alors une convention d'arbitrage avec la société APAX. Sur cette base, les sociétés engagent la responsabilité de la Société APAX.
Le tribunal arbitral condamne la Société APAX au paiement de dommages et intérêts pour avoir dissimulé des informations essentielles lors de la conclusion du protocole d'accord. Il est reproché à APAX d'avoir dissimulé la situation compromise de MORGAN et sa volonté de se désengager du capital.
La Société APAX demande l'annulation de la sentence devant la Cour d'appel estimant que le tribunal arbitral n'avait pas respecté le principe du contradictoire. Cette demande en annulation est cependant rejetée.
La Cour de cassation est alors saisie pour juger si le tribunal arbitral avait pu valablement conclure à la dissimulation d'informations susceptibles d'affecter les négociations sur la seule base d'une pièce communiquée par les parties, à savoir le rapport d'un conseil d'administration de la société qui détenait l'intégralité du capital de MORGAN.
Cette pièce avait été communiquée aux débats mais les débats n'avaient pas forcément portés sur cette question de la dissimulation. La sentence pouvait donc conclure à une dissimulation sans avoir interrogé les parties sur cette question.
La Cour de cassation approuve la motivation de la décision de la Cour d'appel en ces termes :
« l'allégation, dont avaient été saisis les arbitres, de dissimulation de deux circonstances susceptibles d'affecter les négociations, à savoir la situation financière compromise de la société Morgan et la volonté de la société Apax de se désengager du capital de cette dernière, avait été contradictoirement débattue, l'arrêt relève que le rapport du conseil d'administration de la société MIP, faisant état des difficultés de restructuration de la dette de la société Morgan, avait été régulièrement versé aux débats ; qu'ayant ainsi constaté que les arbitres ne s'étaient fondés sur aucun fait distinct de ceux invoqués par les parties demanderesses, dont la société Apax n'aurait pas été à même de débattre, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces derniers, qui n'avaient pas à soumettre aux parties la motivation de leur sentence avant son prononcé, n'avaient pas méconnu les exigences de la contradiction ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ».
La Cour d'appel avait constaté que les arbitres ont répondu aux allégations de dissimulation de deux circonstances susceptibles d'affecter les négociations en se fondant sur une pièce versée aux débats par les parties et qui avaient donc pu être régulièrement débattue.
La Cour d'appel avait ensuite rappelé que les arbitres n'ont pas à soumettre aux parties la motivation de leur sentence avant son prononcé. Cette solution déjà adoptée par la Cour de cassation (C. Cass. Civ. 1ère 14 mars 2006 publiée au bulletin civil I n°145).
Les arbitres pouvaient donc valablement fonder la motivation de leur sentence sur une pièce produite aux débats. Il n'est pas nécessaire aux arbitres de demander aux parties de s'expliquer sur chacune des pièces.
La jurisprudence se montre donc assez souple dans le cadre de la procédure d'arbitrage. Il n'est pas demandé aux arbitres de systématiquement interroger les parties sur le sens de chaque pièce.
Une telle solution permet ainsi de ne pas paralyser les procédures d'arbitrage. Si les parties devaient systématiquement être interrogées sur chaque élément de la motivation de la sentence, la rapidité et l'efficacité de l'arbitrage seraient fortement atteintes.
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 19 décembre 2012, pourvoi n°11-10973
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
VIBERT Olivier
Avocat Associé
KBESTAN - PARIS
PARIS (75)
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