Les loyers commerciaux sont-ils exigibles pendant la période Covid-19 ?
Publié le :
28/09/2020
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La crise sanitaire Covid 19 a créé de nombreux différends notamment en matière de baux commerciaux.
Les décisions de justice ont, elles, été plutôt rares en raison du fait que l’activité des tribunaux a été considérablement ralentie d’une part, et que les entreprises ont priorisé la gestion économique de la crise avant d’initier des contentieux d’autre part. De plus, les négociations ont joué un rôle essentiel à la résolution des conflits apparents.
Le Tribunal judicaire de Paris a tout de même eu à trancher un intéressant contentieux le 10 juillet 2020 (Jugement 18ème chambre civile du TJ de Paris RG 20/04516 du 10 juillet 2020).
La problématique était la suivante :
« Un restaurateur, qui n’a pas pu ouvrir au public son commerce du fait des mesures prises pour éviter la propagation du virus Sars-Cov-2, était redevable envers son bailleur des loyers et charges échus entre le 14 mars et le 2 juin 2020, période de fermeture des cafés – restaurants. (Communiqué de presse du tribunal judiciaire de paris du 15 juillet 2020) »
Dans les faits, le locataire, exploitant d’un pub et d’un salon de thé, a refusé de payer son loyer d’avril à mai 2020, en raison de la fermeture imposée par la crise sanitaire.
Face à une demande de paiement du bailleur de la totalité des loyers échus, le locataire n’a invoqué ni la force majeure ni le manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Il a soutenu que l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a suspendu l’exigibilité du paiement du loyer pendant la période juridiquement protégée.
Le litige portait principalement sur l’interprétation de cet article largement controversé.
Le tribunal judiciaire a retenu que si l’article 4 de l’ordonnance « a pour effet d’interdire un certain nombre de voies d’exécution forcée pour recouvrer ses loyers échus entre le 12 mars et le 23 juin 2020 », il « n’a pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat qui peut donc être spontanément payé ou réglé par compensation ».
Par ailleurs, le Tribunal poursuit par une interprétation de l’obligation de bonne foi en précisant que « selon l'article 1134 devenu 1104 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives »
Les juges du fond constatent alors que le bailleur n’a pas exigé le paiement immédiat des loyers mais a proposé un aménagement.
En effet, le bailleur a adressé au preneur la facture du loyer du second trimestre 2020, conforme aux stipulations contractuelles, et lui propose, « au regard de la fermeture administrative des restaurants et pour soulager sa trésorerie, de ne pas payer son loyer par trimestre d'avance, mais par mensualités à terme à échoir, et de reporter l'exigibilité du loyer d'avril 2020 à la réouverture des restaurants ».
Le preneur, lui, indique au bailleur que « la proposition de report du loyer d'avril 2020 est inacceptable, se référant aux positions développées par son syndicat professionnel préconisant la suppression totale des loyers et charges rétroactivement à compter du 15 mars 2020 et jusqu'à la réouverture des restaurants ».
Les magistrats concluent donc que le bailleur qui « subit les conséquences économiques de l'état d'urgence sanitaire dans les mêmes proportions que son preneur dont les besoins sont donc équivalents », a exécuté son contrat de bonne foi au regard des circonstances alors que le preneur n’a pas formalisé de demande claire de remise totale ou partielle des loyers et/ou charges dus, ni sollicité d’aménagement de ses obligations sur une période déterminée.
Que doit-on retenir ?
1. L’état d’urgence sanitaire ne constitue pas un argument juridique afin d’obtenir une exonération de loyer.
2. Il faut être prêt à certaines concessions et proposer un aménagement ou solliciter une remise des sommes dues pour être considéré comme « de bonne foi ».
Les juges du fond semblent vouloir privilégier le règlement amiable de ce type de différend par une large interprétation du principe de bonne foi qui finalement, permettrait, en l’espèce, de remettre en cause la substance des obligations contractuelles.
Il convient d’attendre l’interprétation que fera la Cour de Cassation sur les limites de bonne foi en droit des contrats.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Audrey NICOLAS
Avocate
Avocats Réunis
LE LAMENTIN (977)
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