Le risque sanitaire constitutif d'un désordre de nature décennale
Publié le :
27/11/2023
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2023
Le principe veut que l’application de la garantie RC décennale soit subordonnée à l’existence effective d’une atteinte à la destination ou à la solidité de l’ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil.Pour autant, en cas de risque avéré à la sécurité des personnes, la jurisprudence considère que les dispositions de l’article 1792 du code civil peuvent s’appliquer, dès lors qu’il est établi que la réalisation du risque est certaine (Cass, 3ème civ, 11 mai 2011, n° 10-11.713) :
« Le dommage consistant dans la non-conformité de l’ouvrage aux règles parasismiques obligatoires dans la région où se trouve la maison, facteur certain de risque de perte par séisme, compromettant sa solidité et la rend impropre à sa destination. »
Dans un arrêt plus récent, concernant le risque d’incendie lié à la défaillance de panneaux photovoltaïques, la Cour de cassation a indiqué, dans un arrêt en date du 21 septembre 2022 (Cass, 3ème civ, 21 septembre 2022, n° 21-20.433), que : « En lui-même, le risque avéré d’incendie de la couverture d’un bâtiment le rend impropre à sa destination », alors même que la combustion interne des boitiers de connexion des panneaux photovoltaïques n’a pas été suivie d’un début d’incendie portant atteinte à la toiture. »
Sur ce, dans son arrêt en date du 14 septembre 2023 (Cass, 3ème civ, 14 septembre 2023, n° 22-12.989), la Cour de cassation a confirmé la possibilité de retenir la qualification de désordre de nature décennale du seul fait de l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité des personnes, au sujet de phénomènes de condensation affectant des plaques de faux-plafonds lesquelles, risquant de tomber, présentent alors un danger pour les occupants : « … un désordre de nature décennale prenant la forme d’un risque incendie rendant l’ouvrage impropre à sa destination. »
Ceci étant précisé, il sera également rappelé que le délai décennal n’est pas seulement un délai d’action, mais également un délai d’épreuve, ce qui implique que les conditions de mise en œuvre de la garantie soient établies avant l’expiration du délai d’épreuve.
La jurisprudence subordonne en effet par principe l’application des dispositions de l’article 1792 du code civil à la certitude de la survenance d’une atteinte à la solidité ou d’une impropriété de l’ouvrage à sa destination avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale.
Ainsi, pour entrer en voie de condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, le juge doit « constater que les désordres devaient atteindre de manière certaine, dans les dix ans après la réception de l’ouvrage, la gravité requise pour la mise en œuvre de la garantie décennale (Cass, 3ème civ, 21 septembre 2022, n° 21-15.455).
Le même principe avait été retenu dans un arrêt en date du 23 mai 2006, au sujet d’un désordre affectant les voies de roulement d’un funiculaire, la Cour de cassation (Cass, 3ème civ, 23 mai 2006, n° 05-10.859) indiquant alors que, même si le désordre ne perturbait pas le fonctionnement de l’installation au jour des constatations, le rapport d’expertise judiciaire faisait état « d’un risque certain dans le délai décennal de déraillement consécutif à une aggravation prévisible et pouvant mettre en péril la sécurité des personnes. »
On a pu penser que la Cour de cassation avait durci sa jurisprudence par un arrêt en date du 11 mai 2022 (Cass, 3ème civ, 11 mai 2022, n° 21-15.608), en refusant d’appliquer les dispositions de l’article 1792 du code civil en présence d’un risque de chute de tuiles du fait de l’absence d’écran de sous-toiture, au motif qu’il ne s’était pas réalisé pendant le délai d’épreuve de la garantie décennale.
L’arrêt publié du 14 septembre 2023 (Cass, 3ème civ, 14 septembre 2023, n° 22-13.858, Publié au bulletin), s’inscrit très clairement dans une analyse plus traditionnelle, selon laquelle la gravité du risque suffit en soit à caractériser l’existence d’un désordre de nature décennale, quel que soit sa date de survenue :
« Le risque sanitaire encouru par les occupants d’un ouvrage peut, par sa gravité, caractériser à lui seul l’impropriété de l’ouvrage à sa destination, même s’il ne s’est pas réalisé dans le délai d’épreuve. »
Cette décision était d’ailleurs annoncée par un arrêt en date du 11 mai 2022 (Cass, 3ème civ, 11 mai 2022, n° 21-15.608), en présence d’odeurs nauséabondes constatées moins de dix ans suivant la réception des travaux, motif pris « de la favorisation de la réalisation d’un risque sanitaire, révélant l’existence d’une impropriété dans le délai d’épreuve de la garantie. »
Sur ce, il apparait désormais clairement établi que la démonstration dans le délai décennale de l’existence d’un désordre ou d’une non-conformité susceptible de favoriser la réalisation d’un risque sanitaire suffit à caractériser l’existence d’une impropriété à la destination au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil :
« Le risque sanitaire lié aux nuisances olfactives rendait, en lui-même, l’ouvrage impropre à sa destination. »
Cass, 3ème civ, 14 septembre 2023, n° 22-13.858, Publié au bulletin
Cass, 3ème civ, 14 septembre 2023, n° 22-12-989
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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