Sur l'application de la clause d'exonération de responsabilité en matière de transport aérien international
Publié le :
10/04/2013
10
avril
avr.
04
2013
La Cour de cassation impose que soit caractérisé avec précision la réunion des conditions posées par l'article 19 de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international.
La Cour de cassation précise par ailleurs que l'application de l'article 19 de cette convention internationale est exclusive des causes d'exonération de responsabilité de l'article 1148 du code civil.
Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mars 2013, pourvoi n°09-72962
Une banque confie à une société d'évènementiel le soin d'organiser un voyage pour permettre à 94 personnes d'assister à un match de rugby Italie-France. Le match étant programmé pour débuter à Rome à 14h00, le 19 mars 2005.
La société d'évènementiel a sous-traité avec deux agences de voyage, l'une italienne et l'autre française. L'agence de voyage française avait notamment pour mission de prendre en charge l'affrètement d'un aéronef pour le transport aller/retour de 94 personnes de Bordeaux à Rome. Le départ avait lieu le matin du match. Le retour était programmé le lendemain.
L'avion affrété a cependant été en retard à Bordeaux.
L'avion qui devait être utilisé était le matin à l'aéroport de Rennes pour du transport de fret. Il devait alors être acheminé à Roissy pour être configuré pour du transport de passager puis acheminé à Bordeaux.
Or un brouillard a empêché le départ de cet avion de Rennes jusqu'à 12h00.
Il a été proposé de retarder le départ de l'avion de Bordeaux à 16h00 soit 2 heures après le coup d'envoi du match de rugby à Rome. Ce départ retardé a été naturellement refusé. Le vol a donc finalement été purement annulé.
Les voyageurs n'ont donc pu assister au match de Rugby à Rome.
La Société d'évènementiel a demandé judiciairement la réparation de son préjudice estimant que l'agence de voyage française avait manqué à ses obligations contractuelles. Les demandes d'indemnisation étaient fondées sur le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun (article 1147 du code civil) et sur le régime spécifique des responsabilités des transporteurs aériens (article 19 de la Convention de Varsovie).
L'agence de voyage en défense a tenté de s'exonérer de sa responsabilité en invoquant :
- l'article 1148 du code civil, et l'existence d'un cas de force majeur ou d'un cas fortuit,
- l'article 20 de la Convention de Varsovie qui prévoit que
1. Le transporteur n'est pas responsable s'il prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre.
2. Dans les transports de marchandises et de bagages, le transporteur n'est pas responsable, s'il prouve que le dommage provient d'une faute de pilotage, de conduite de l'aéronef ou de navigation, et que, à tous autres égards, lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage.
La Cour d'appel de Bordeaux a estimé que l'agence de voyage justifiait d'un cas de force majeure en retenant la conjonction de deux circonstances :
- Le fait que l'avion était à Rennes le matin et qu'il devait impérativement passer par Roissy pour pouvoir ensuite accueillir des passagers au départ de Bordeaux.
- Le fait que le décollage de l'aéroport de Rennes a été impossible jusqu'à 12 heures par suite d'un épais brouillard.
La Société d'évènementiel estimant notamment que le système de rotation en flux tendu de cet avion ne pouvait lui être opposé et que la force majeure n'était pas caractérisée, saisi la Cour de cassation.
La Cour de cassation censure cette décision d'appel.
Au visa de l'article 19 de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, la Cour de cassation juge que la Cour d'appel n'a pas caractérisé la réunion des conditions de ce texte.
L'article 19 de la Convention de Montréal prévoit que :
Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.
Pour s'exonérer de sa responsabilité le transporteur doit donc :
- Soit démontrer que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage,
- Soit démontrer qu'il leur était impossible de prendre les mesure permettant d'éviter le dommage.
La Cour de cassation a estimé que la Cour aurait davantage dû caractériser que toutes les mesures avaient été prises pour raisonnablement éviter le dommage. Des telles mesures tendant à l'exonération du transporteur de sa responsabilité doivent naturellement être envisagées de manière restrictive. La Cour de cassation dans cette décision semble imposer cette lecture restrictive des conditions d'éxonération du transport prévues par la Convention de Montréal.
La Cour de cassation a encore jugé que l'article 19 de la Convention de Montréal excluait l'application de l'article 1148 du code civil.
L'application de la convention internationale sur le transport aérien ne peut pas être conciliée avec le régime général de l'exonération de responsabilité en droit civil français.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
VIBERT Olivier
Avocat Associé
KBESTAN - PARIS
PARIS (75)
Historique
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