
La banque qui encaisse un chèque libellé à l’ordre de deux bénéficiaires peut-elle être fautive ?
Publié le :
13/01/2020
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Il n’est pas interdit d’établir un chèque à l’ordre de deux personnes distinctes. En effet, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme dans un arrêt rendu le 27 novembre 2019 que la juxtaposition des noms de deux bénéficiaires sur un chèque n'est pas en soi une « anomalie apparente » qui devrait provoquer des contrôles particuliers.La banque tirée (celle qui verse les fonds) n’a pas à vérifier auprès de son client, signataire du chèque, qu’il est d’accord pour que les fonds soient versés à l’un des bénéficiaires plutôt qu’à l’autre.
Cependant, la banque qui encaisse le chèque sur le compte de son client sans demander l'accord de l'autre bénéficiaire peut être jugée fautive.
En l’espèce, l'associé d'une société avait souscrit par l'intermédiaire de l'agent général de la compagnie d'assurance des contrats d'assurance vie afin de constituer une garantie financière au bénéfice de sociétés de travail temporaire dont le capital était détenu par la société.
Cette société, qui était titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la banque (la banque tirée), avait établi cinq chèques à l'ordre de la compagnie d'assurance qui ont été encaissés à son profit par l'agent général sur un compte personnel ouvert dans les livres de la banque présentatrice.
L'associé et la société ont assigné la compagnie d'assurance en qualité de mandante de l'agent général en remboursement des sommes détournées par ce dernier. La compagnie d'assurance avait également recherché la responsabilité de la banque présentatrice et de la banque tirée.
L’appel en garantie contre la banque tirée a été rejetée aussi bien par la Cour d’appel d’Aix en Provence (8e chambre Com., 23 nov. 2017) que par la Cour de Cassation qui a considéré qu’elle n’était pas tenue de « vérifier auprès du tireur, en l'absence d'anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, la sincérité de la mention ni de s'assurer du consentement de l'autre bénéficiaire. »
La Cour de Cassation poursuit en précisant que la banque présentatrice est, cependant, tenue, lors de la remise d'un chèque par l'un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, « de s'assurer du consentement de l'autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis ».
C'est donc à la banque présentatrice du chèque que doit s'adresser l'autre bénéficiaire du chèque qui s’estime spolié pour demander au moins la restitution de sa part.
Aussi, pour la condamner à garantir la compagnie d'assurance à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt retient que la banque présentatrice ne pouvait pas considérer que l'agent général de la compagnie d'assurance avait reçu mandat de celle-ci pour l'encaissement des cotisations.
Elle ne pouvait donc pas tenir pour acquis, lors de la présentation de chèques portant les noms de ces deux bénéficiaires, le consentement de la seconde à leur encaissement sur le compte du premier.
Si aucun reproche ne peut donc être fait, en l’espèce, à la banque « tirée », le banquier présentateur a commis une faute ayant contribué à la réalisation d’un dommage qu’il convient de réparer au visa du nouvel article 1240 du code civil.
Cette pratique qui consiste à libeller un chèque à l’ordre de deux bénéficiaires est assez fréquente et donne des droits particuliers à chacun d’eux vis-à-vis de la banque qui encaisse même si une seule personne est créditée.
Cass. Com, 27 nov 2019, nos 18-11.439 et 18-12.427
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Audrey NICOLAS
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