Formalisme de la mention manuscrite sur la durée du cautionnement
Publié le :
31/01/2024
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Une Cour de cassation droite dans ses bottes pour les contrats signés avant le 1er janvier 2022, en dépit d’une réforme du droit des sûretés abolitionniste applicable aux contrats signés postérieurement
Par un arrêt du 29 novembre 2023 (Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-17.913), rendu sous l’égide des anciens textes du code de la consommation, la Cour de cassation a réaffirmé que la durée du cautionnement doit être expressément précisée dans la mention manuscrite sans possibilité d’un simple renvoi aux clauses dactylographiées de l’acte, alors que le nouvel article 2297 du Code civil, venu se substituer à ces textes, ne prévoit plus de mention de durée d’engagement à apposer dans l’acte par la caution elle-même.1 - Selon l’article L341-2 devenu L331-1 du code de la consommation, dans une rédaction applicable jusqu’au 1er janvier 2022 (avant l’entrée en vigueur de la réforme des sûretés) et pour tous les contrats signés avant cette date,
toute personne physique qui s’engageait par acte sous-seing privé en qualité de caution à l’égard d’un créancier professionnel devait, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et celle-ci uniquement :
« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X … n’y satisfait pas lui-même. »
En application de ce texte, la jurisprudence retient inlassablement, souvent avec les mêmes mots, pour les cautionnements à durée déterminée :
« Il s’en déduit que, si ces dispositions ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention doit être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte. » :
À titre d’exemple :
- dans une espèce où la mention manuscrite indiquait « pour la durée du prêt majoré de deux ans », il a été retenu, en rappelant la motivation précitée, que « cette durée n’est pas précisée contrairement aux exigences requises » (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 18 novembre 2021, n° 19/04219),
- dans une espèce où, pour condamner la caution, l’arrêt d’appel avait retenu que « l’omission de la durée de l’engagement constitue une simple erreur matérielle qui n’affecte pas la validité du cautionnement dès lors qu’il suffit à la caution de consulter le texte à recopier pour la connaître », la Cour de cassation a sanctionné cette décision qui impliquait de se reporter aux clause imprimées de l’acte, toujours au visa de la motivation précitée (Cour de cassation, 9 mars 2022, n° 19–25. 523).
2 - Les banques ayant parfois la tête dure :
Dans une espèce où la Cour d’appel de Nîmes avait de nouveau donné tort à leur camp, en jugeant que la mention manuscrite « pour la durée de l’emprunt » n’exprimait pas une durée appréciable « sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte » (Cour d’appel de Nîmes, 17 avril 2022, n° 20/03134),
Le préteur a ressaisi la Cour de cassation sur le sujet du formalisme de l’article L341-2 devenu L331-1 du Code de la consommation, pour exprimer la durée du cautionnement.
Elle faisait alors grief à l’arrêt de la Cour « d’avoir dénaturé les termes clairs et précis des documents de la cause (…) en énonçant (…) qu’à défaut de précision de la durée de l’emprunt cautionné dans l’acte de cautionnement, la mention manuscrite reproduite par Madame B ne lui permettait pas d’avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement et que l’acte de cautionnement ne portait pas l’indication d’une durée précise de l’engagement souscrit et contrevenait dès lors au formalisme légal imposé par les dispositions de l’ancien article L341–2 du code de la consommation, quand l’acte sous-seing privé (…) par lequel Madame B s’était engagée à titre de caution, stipule expressément que la durée de l’emprunt cautionné était de 84 mois (…) ».
Répondant à ce moyen, par arrêt du 29 novembre 2023 (pourvoi n° 22-17.913), la Cour de cassation a jugé, sans réelle surprise :
« Après avoir énoncé qu’il résulte de l’article L341–2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise et sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte, l’arrêt relève que la mention manuscrite apposée par Madame B au bas de l’acte de prêt dactylographié prévoit que l’engagement de caution de cette dernière est consenti « pour la durée de l’emprunt », sans que soit précisée cette durée.
En l’état de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a exactement retenu, sans dénaturer la mention manuscrite apposée par Madame B, qu’à défaut de précision de la durée de l’emprunt dans cette mention, celle-ci ne permettait pas à la caution d’avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement.
Le moyen n’est donc pas fondé ».
3 - Dit autrement, la mention manuscrite qui n’exprime pas en jours, mois ou ans, la durée déterminée d’un cautionnement, ne répond pas au formalisme des articles L341-2 devenu L331-1 du code de la consommation, en vigueur jusqu’au 1er janvier 2022, et expose à la nullité le cautionnement tout entier !
Cette règle stricte ne s’applique pas, cependant, aux cautionnements expressément souscrit pour une durée indéterminée, ni à ceux souscrit après l’entrée en vigueur de la reforme des suretés, le 1er janvier 2022.
En effet, aux termes du nouvel article 2297 du code civil, venu se substituer à l’article L331-1 du code de la consommation, abrogé, désormais la caution n’est plus tenue de mentionner, elle-même, la durée de son engagement, qui peut figurer dans les seules mentions dactylographiées de l’acte !
Dès lors, pour les cautionnements signés à compter du 1er janvier 2022, les banques bénéficient, par la loi, de la disparition du formalisme que la Cour de cassation a refusé d’assouplir !
N’avaient-elles pas raison de résister ?
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
OLLAGNON-DELROISE Carole
Avocate Associée
OLLAGNON-DELROISE Carole
CHAMBERY (73)
Historique
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