L’obligation de vérification du banquier prêteur de deniers dans le cadre de la régularisation d’un CCMI
Publié le :
17/08/2018
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2018
Cour de cassation, chambre civile 3, Audience publique du jeudi 5 juillet 2018
N° de pourvoi: 17-18803
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2017), que Mme Y... et M. X... ont sollicité des prêts de la Société générale pour la construction d'une maison individuelle ; qu'après avoir été informés par la banque de ce que les devis produits ne correspondaient pas à un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, ils ont accepté les offres de prêt et signé avec la société MTH un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du plan qui a été transmis à la banque avec les plans établis par le cabinet Z..., architecte ; qu'après l'abandon du chantier par la société MTH, qui n'avait pas souscrit de garantie de livraison, Mme Y... et M. X... ont assigné la Société générale en responsabilité ;
(…)
Mais attendu qu'ayant retenu que la Société générale, procédant à la vérification des énonciations du contrat conformément aux dispositions de l'article L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation, avait informé Mme Y... et M. X... sur le fait que les documents produits ne permettaient pas de caractériser un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, que ceux-ci avaient accepté les offres de prêt en manifestant l'intention de poursuivre leur projet hors de ce cadre contractuel en établissant eux-mêmes les plans annexés à la demande de permis de construire, en concluant avec la société MTH un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du plan et en annexant au contrat présenté à la banque des plans signés du cabinet Z..., entité distincte de la société MTH, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la banque, qui n'était pas en mesure de procéder à une requalification du contrat, n'avait pas commis de faute dans l'exécution de ses obligations ;
(…)
Mais attendu qu'ayant relevé que, dans leur lettre du 17 juin 2006, Mme Y... et M. X... reconnaissaient avoir été informés par la Société générale de ce que, construisant hors du cadre d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, si l'une des entreprises réalisait au moins les travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air, le contrat devrait comporter une garantie de livraison, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la banque avait donné aux emprunteurs l'information préconisée par son propre conseil et rempli son devoir de renseignement et de mise en garde, a légalement justifié sa décision ;
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L'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation met à la charge du banquier des obligations de vérification du contenu du contrat de construction de maisons individuelles, en ce sens que : « aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celle des énonciations mentionnées à l'article L 231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis, et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas eu communication de l'attestation de garantie de livraison ».
Ce faisant, l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation institue une obligation particulière à la charge du banquier consistant à vérifier le contenu du contrat de construction de maisons individuelles qui lui est soumis et sur lequel il lui est demandé d'apporter son financement, tout en ne pouvant débloquer les fonds que sur justification de la remise de la garantie de livraison.
La Cour de cassation appréhende cette obligation de vérification, mise à la charge du banquier, de façon plutôt restrictive. Il a ainsi été jugé que les dispositions de l’article L 231-10 du code de la construction et de l’habitation n’ont vocation à ne concerner qu’à l’objet même du contrat de construction de maisons individuelles et non à l'acquisition du terrain (Cass, 3ème civ, 5 janvier 2017, n° 15-27. 290), pas plus qu’au montage destiné à assurer le financement du capital constitutif de la société civile immobilière ayant vocation à devenir le maître d’ouvrage de l’opération de construction (Cass, 3ème civ, 25 janvier 2018, n° 16-24. 698).
Pour autant, dès lors qu'il est établi que le banquier a manqué à son obligation de vérification et qu'il a notamment libéré les fonds sans s'être préalablement assuré de la remise de la garantie de livraison et des assurances obligatoires, la Cour de cassation valide sa condamnation à indemniser le maître d'ouvrage de ses différents chefs de préjudice.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 27 avril 2017 (Cass, 3ème civ, 27 avril 2017, n° 16-15.137), la Cour de cassation rejette le pourvoi d'une banque ayant été condamnée à verser des dommages et intérêts à un maître d'ouvrage du fait du manquement constaté à son obligation de vérification, puisque le contrat de construction de maisons individuelles avait été régularisé et les fonds libérés, alors qu’il n'avait pas été souscrit d'assurance dommages ouvrage, ni de garantie livraison. Ce faisant, la Cour de cassation a validé le manquement du banquier à son devoir d'information et de conseil en n’alertant pas le maître d’ouvrage sur les irrégularités du contrat de construction et en le privant ainsi des garanties et assurances nécessaires à la reprise des malfaçons et à l'achèvement du chantier.
Pour autant, même en cas d’irrégularité du contrat de construction de maisons individuelles, la responsabilité du banquier ne peut pas être engagée en toutes circonstances.
C’est ainsi que, dans son arrêt en date du 5 juillet 2018, la Cour de cassation sanctionne le maître d'ouvrage qui de toute évidence avait été clairement informé, notamment par le banquier, de la non-conformité du contrat de construction qui lui avait été communiqué, au regard des prescriptions exigées par les articles L 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Bien qu'informé de cette situation, le maître d'ouvrage avait décidé de poursuivre son opération, en toute connaissance de cause, jusqu'à ce que le constructeur soit défaillant et que le banquier soit recherché en responsabilité pour manquement à son obligation de vérification et d’information découlant de l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation.
Fort logiquement, la Cour de cassation sanctionne le maître d’ouvrage qui, de toute évidence, était de mauvaise foi, et confirme sa jurisprudence tendant à retenir une interprétation restrictive de l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation.
Il est intéressant de constater que, dans le cadre de cet arrêt, la Cour de cassation n'a pas manqué de rappeler que le banquier n'a pas l'obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, mais uniquement d'informer le maître d'ouvrage des irrégularités constatées, ce qu'elle avait déjà fait dans un arrêt en date du 11 janvier 2012 (Cass, 3ème civ, 11 janvier 2012, n° 10-19.714).
Dans cette décision, la Cour de cassation avait clairement indiqué qu'il n'appartenait pas au banquier de s'immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le maître de l'ouvrage, étant simplement tenu à l'égard de celui-ci d'un devoir d'information et de conseil sur les irrégularités constatées dans le montage de l'opération de construction.
À cet égard, c'est au banquier qu'il appartient de rapporter la preuve du respect par lui de son devoir d'information et de conseil, sauf à engager s’exposer sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Alors que l'appréciation du manquement relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, force est de constater que, dans le cadre de l’arrêt rendu le 5 juillet 2018, la Cour de cassation a pris un soin tout particulier à vérifier que le contrôle avait été suffisant au regard des éléments du dossier.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Michael Flippo - Fotolia.com
Auteur
Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ANGERS (49)
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