
Clause réputée non écrite et restitution de l'indu : Principes et limites temporelles
Publié le :
18/03/2025
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La clause d’indexation réputée non écrite au sein des baux commerciaux continue de faire couler beaucoup d’encre. Ce sujet a commencé à intéresser bailleurs et locataires lorsque pour la première fois au cours du premier trimestre 2009 l’indice des loyers commerciaux a connu une baisse. C’est à la fin de l’année 2011 que la situation s’est rétablie et elle était due à la crise financière de 2008 qui a traumatisé les bailleurs et leurs conseils.Les rédacteurs des baux commerciaux ont imaginé rédiger des clauses d’indexation annuelle de loyer permettant uniquement une indexation de loyer à la hausse, neutralisant toute possibilité d’indexation à la baisse.
Il faut rappeler que par un arrêt de principe du 14 janvier 2016, la Cour de cassation avait posé le principe selon lequel une clause d’indexation qui excluait la réciprocité de la variation et stipulait que le loyer ne pouvait être révisé qu’à la hausse devait être réputée non écrite.
Les conséquences sont particulièrement sévères pour le bailleur.
Non seulement celui-ci doit restituer les augmentations intervenues, mais la clause étant réputée non écrite il ne peut plus procéder à l’indexation pour l’avenir, puisque la clause n’existe plus.
Il lui reste à se replier sur les dispositions de l’article L 145-38 du Code de commerce qui sont d’ordre public, même si elles ne sont pas reprises dans le bail et procéder à la révision du loyer et à son indexation tous les 3 ans en respectant les formes requises.
Depuis 2022, la jurisprudence évolue et la Cour de cassation considère que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, c’est-à-dire celle qui prévoyait uniquement l’indexation à la hausse sans prévoir la baisse tout en maintenant le principe d’une indexation.
Cette jurisprudence qui évolue dans le sens des intérêts du bailleur pose une autre question.
Dès lors qu’une clause d’indexation est réputée non écrite, elle entraîne une action en répétition de l’indu du locataire qui a payé des augmentations de loyer sur la base d’une clause d’indexation qui est considérée comme non écrite.
Cette action en répétition de l’indu est-elle limitée dans le temps et la prescription de 5 ans ?
La Cour d’appel de PARIS, dans son arrêt du 29 mars 2023, avait limité la condamnation de la bailleresse aux 5 dernières années en appliquant la prescription quinquennale.La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement.
La Cour de cassation considère depuis plusieurs années que l’action tenant à voir réputée non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 19 novembre 2020, n° 19-20.405).
La Cour de cassation considère que dès lors qu’une stipulation non écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation.
Mais doit-on remonter à 5 ans ou depuis le loyer d’origine ?
La Cour de cassation tranche et rejette la prescription quinquennale de droit commun.Elle estime que la créance de restitution doit être calculée sur la base du loyer initial.
Cette jurisprudence qui s’applique au bail commercial apparaît tout à fait logique puisque la Cour de cassation s’est d’ores et déjà prononcée sur d’autres textes qui retiennent le « réputé non écrit » comme sanction de la méconnaissance de leurs dispositions.
Un arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 13 mars 2019 avait déjà affirmé pour la première fois de façon aussi claire que la sanction de la clause réputée non écrite n’était pas soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du Code civil.
La décision commentée appliquée au bail commercial est parfaitement logique.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 janvier 2025, n° 23-18.643
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
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