Le bail commercial et la clause résolutoire
Publié le :
30/12/2010
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2010
La clause résolutoire de plein droit permet, lorsque le défaut de paiement du loyer ou des charges est constaté, de faire délivrer commandement au locataire rappelant ladite clause, et d’obtenir la résolution du bail si aucun paiement n’intervient.
La morale et le droit des affaires
Introduction :
A partir de l’article 1134, alinéa 3 du Code Civil, lequel prescrit que les contrats doivent s’exécuter de bonne foi, la jurisprudence a créé, au prétexte de moralisation de la vie des affaires, une instabilité contractuelle.
Un exemple récent d’application par les Juges de ce critère flou et variable au gré des circonstances, des périodes et des Magistrats qu'est la bonne foi, résulte d’un arrêt de la Cour de Cassation, 3e Chambre Civile du 10 novembre 2010.
En l’espèce, le propriétaire bailleur avait fait jouer à son profit la clause résolutoire de plein droit prévue au bail contre son locataire commercial en raison du non-respect par celui-ci d’un commandement de payer les montants arriérés correspondant au jeu de l'indexation de ce loyer.
Au motif que le bailleur exerçait la même activité que le preneur et que, si son rappel de loyer, indexé sur le coût de la construction figurant dans ledit commandement, correspondait bien aux termes du contrat, la Cour de Cassation reconnaît la validité de ce commandement, mais reproche à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché si le bailleur n’avait pas mis en œuvre la clause de mauvaise foi, en raison du fait qu’il exerçait la même activité que le preneur et voulait l’écarter de la concurrence.
I. Le mécanisme de la résolution du bail commercial :
A. Définitions :
Le bail (contrat de location) commercial (s’appliquant à un fonds de commerce) est régi par le statut initié par le décret du 30 septembre 1953, régi actuellement par les articles L.145-1 à L.145-60 du Code de Commerce.
La clause résolutoire de plein droit permet, lorsque le défaut de paiement du loyer ou des charges est constaté, de faire délivrer commandement au locataire rappelant ladite clause, et d’obtenir la résolution du bail si aucun paiement n’intervient dans le délai légal d’un mois après le commandement prévu à l’article L.145-41 du Code de Commerce.
Bien entendu il existe d’autres causes de résiliation, mais qui ne sont pas l’objet du présent article.
B. Mécanisme :
D’abord il faut que le bail comporte une clause résolutoire sanctionnant contractuellement le non-respect par le preneur de son obligation de payer les loyers et les charges.
Cette sanction n’est toutefois pas immédiate et nécessite :
- Un commandement de payer avec rappel de la clause résolutoire,
- Un délai légal d’un mois à l’issue duquel la résiliation interviendra à défaut d’exécution totale voire partielle.
La clause prévoit souvent une compétence d’attribution au profit du Président du Tribunal de Grande Instance en exercice statuant en matière de référé pour constater sa mise en jeu et la résiliation du bail.
- Une absence d’octroi de délai par le Juge des Référés si le preneur (locataire) fait état de l’article 1244-1 du Code de Procédure Civile et prouve sa bonne foi,
- Une absence de redressement ou de liquidation judiciaire du preneur car :
1- Si le redressement judiciaire du preneur est prononcé, l’administrateur peut résilier le contrat de bail ; la résiliation intervient aussi si l’administrateur ne répond pas dans le délai d’un mois à la mise en demeure du bailleur (articles L.622-13 et L.622-14 du Code de Commerce).
2- La liquidation judiciaire du preneur entraîne la résiliation du bail sauf en cas de continuation de l’activité de 3 mois maximum pour permettre une cession de l’entreprise.
Toutefois pour les loyers postérieurs à la date d’ouverture du jugement de redressement ou de liquidation judiciaires, le bailleur peut toujours faire commandement au mandataire de justice et solliciter la résiliation du bail.
II. L’interventionnisme moralisateur du Juge :
A. La bonne foi :
Les exigences de bonne foi dans l’exécution des contrats voire de loyauté dans les procédures d’exécution sont inscrites dans les textes, mais leur appréciation ne dépend pas des parties elles-mêmes, forcément subjectives, mais du Juge.
La définition de la bonne foi est plutôt négative : c’est en fait l’absence d’intention de nuire par dol ou tromperie.
B. L’application de la bonne foi à la résiliation du bail commercial :
L’utilisation d’un mécanisme conventionnel et légal comme une clause de résolution de bail commercial de plein droit, même si elle est justifiée par le non-paiement d’un rappel de loyers indexés, peut dégénérer en mauvaise foi.
C’est le cas en l’espèce :
- Lorsque le bailleur néglige de faire application de la clause d’indexation pendant 22 mois après la fin de la période de révision triennale pour, deux mois après avoir notifié le nouveau loyer au preneur, lui faire commandement de payer l’arriéré avec rappel de la clause résolutoire (soit un délai global de 3 mois pour rattraper 22 mois d’inertie).
- Lorsque derrière ce pur fait temporel se cache en fait la véritable intention du bailleur exploitant un commerce concurrent qui est de faire disparaître de manière déloyale le commerce de son preneur.
Mais là d’un simple refus d’appliquer la clause résolutoire en raison de la mauvaise foi du bailleur, on glisse dans l’esprit du Juge à une application des règles du droit de la concurrence déloyale ; il y a donc sanction d’un détournement abusif d’une voie d’exécution légale d’un contrat ou plutôt d’une sanction contractuelle de l’inexécution par un contractant au préjudice de son cocontractant en vue de l’évincer.
La mauvaise foi du bailleur et la déloyauté du concurrent se rejoignent ici et sont retenues par le Juge à titre de morale s’opposant à la stricte application des règles légales.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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