Déconfinement et responsabilité des élus : Qui peut être jugé responsable au civil comme au pénal d’une contamination dans un établissement scolaire ?
Publié le :
06/05/2020
06
mai
mai
05
2020
L’État, et c’est le paradoxe, mène sa stratégie de déconfinement, mais risque de permettre l’engagement de la responsabilité pénale, administrative et judiciaire des élus de terrain que sont les maires.
J’ai rappelé dans un précédent article que les maires sont responsables de la salubrité publique au titre de l’article L 2212 - 2 du code général des collectivités territoriales (mes articles sur https://www.drouineau1927.fr/actualites/)
Ils ont également la responsabilité de la santé publique dans les établissements scolaires qui relèvent de leur responsabilité, et sont en charge de la prévention des « maladies épidémiques ».
Que peut-il se passer si des contaminations ont lieu après la réouverture des établissements scolaires, demandée par l’État, mais assumée concrètement par les maires ?
Devant le Sénat, le 4 mai, le premier ministre a écarté toute idée d’un nouveau véhicule législatif destiné à empêcher l’engagement de la responsabilité des maires dans le cadre particulier que je viens de décrire.Qui peut être jugé responsable au civil comme au pénal d’une contamination dans un établissement scolaire ?
Le premier ministre s’est limité à citer les dispositions de l’article L 121 – 3 du code pénal issues de la loi « Fauchon » numéro 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
« Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
Cet article a été pris pour lutter contre l’engagement de la responsabilité pénale des maires, et cette fameuse jurisprudence des « cages de foot », que redoutaient tant, à juste titre, les élus.La loi fut parfaitement appliquée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, notamment dans une décision du 4 juin 2002 rendue sous le numéro 01-81280, concernant le maire de la commune de Courçon d’Aunis, approuvant la Cour d’Appel de Poitiers d’avoir relaxé le premier magistrat de la commune, considérant qu’il ne résultait pas de l'information ni des débats qu'il ait, en laissant à la portée du public des cages de but ne répondant pas aux exigences de sécurité fixées par les articles 2 et 6 du décret du 4 juin 1996, délibérément violé l'obligation prévue par ce règlement, ni qu'il ait été informé du risque auquel étaient exposés leurs utilisateurs éventuels et ait ainsi commis une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal.
Faudra-t-il que soient plaidés des dossiers de même nature, après que des contaminations aient eu lieu dans des établissements scolaires, et que nous soyons contraints de démontrer que les dispositions de l’article L 121-3 n’ont pas été méconnues ?
Comment pourraient être appréciées les « diligences normales » d’un maire confronté à l’épidémie, et à la décision, prise par l’Etat, d’ouvrir de nouveau les établissements scolaires ?La force majeure que constitue l’épidémie affecte les contrats publics, et a été gérée comme telle par l’Etat, dans les ordonnances qui organisent l’occupation du domaine public et les conditions de l’exécution et de la poursuite des marchés publics.
Pourquoi l’Etat n’agit-il pas par analogie pour la réouverture des écoles, qui affecte la santé des élèves et de leurs professeurs ?
Le bien commun commande qu’une vraie réflexion, en concertation avec les associations d’élus, soit menée, et qu’enfin cesse ce jacobinisme passé de mode et totalement inefficace qui reste aujourd’hui encore la doctrine parisienne de l’Etat en France.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
POITIERS (86)
Historique
-
Covid-19 et réouverture des plages : l’exemple néo-calédonien
Publié le : 07/05/2020 07 mai mai 05 2020Collectivités / Environnement / EnvironnementCoronavirusNul n’ignore la beauté des plages du Pacifique Sud, qu’il s’agisse de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie. L’on comprend parfaitement que...
-
Covid-19 et jours de repos imposés dans la fonction publique territoriale : comment cela fonctionne t-il ? Combien de jours peuvent-ils être imposés ?
Publié le : 07/05/2020 07 mai mai 05 2020Collectivités / Services publics / Fonction publique / Personnel administratifCoronavirusEn application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le gouvernement vient de publier une ordonnanc...
-
Le marché immobilier après la crise : quels scénarios sont envisageables après le confinement ?
Publié le : 06/05/2020 06 mai mai 05 2020Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementCoronavirusAprès les excès de la bulle immobilière de l’année passée dans certaines villes et régions de France, une chute des transactions pourrait se faire entrevoi...
-
Déconfinement et responsabilité des élus : Qui peut être jugé responsable au civil comme au pénal d’une contamination dans un établissement scolaire ?
Publié le : 06/05/2020 06 mai mai 05 2020Collectivités / Contentieux / Responsabilité civile et pénale de l'éluCoronavirusL’État, et c’est le paradoxe, mène sa stratégie de déconfinement, mais risque de permettre l’engagement de la responsabilité pénale, administrative et judici...
-
L’abandon des loyers professionnels en période d’épidémie du coronavirus : quelles mesures en faveur des propriétaires ?
Publié le : 05/05/2020 05 mai mai 05 2020Entreprises / Finances / FiscalitéCoronavirusDepuis le début de la crise du Coronavirus et de l’obligation de confinement qui s’en est suivie, les dirigeants d’entreprises qui ne pouvaient pas exerce...
-
Tribune sur la nécessité d’aligner le régime de suspension des délais de retrait des autorisations d’urbanisme sur celui des délais de recours
Publié le : 05/05/2020 05 mai mai 05 2020Collectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeCoronavirusL’article 12 bis de l’ordonnance n° 2020-306 doit être complété de manière à faciliter la purge des autorisations d’urbanisme et à assurer que des ventes i...
-
Covid-19 : quels sont les pouvoirs de police générale du maire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ?
Publié le : 04/05/2020 04 mai mai 05 2020Collectivités / Contentieux / Responsabilité civile et pénale de l'éluCoronavirusA l’heure où fleurissent les arrêtés municipaux édictant des mesures pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Conseil d’Etat a précisé les contours de...