Les nouvelles extensions gTLD
Publié le :
16/05/2013
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Le lancement des nouvelles extensions prévu pour 2013 (new gTLD’s): un changement de paradigme pour les internautes ?
Une extension est la dernière partie d’un nom de domaine (les extensions en « .fr », « .org », « .com » sont les plus communément rencontrées).
En anglais, une extension est désignée sous le terme de Top Level Domain (TLD) et il en existe plusieurs types, les gTLD (TLD génériques), les ccTLD (TLD géographiques) et les sTLD (TLD sponsorisés). Chaque type d’extension est administré par un Network Information Center (NIC). A titre d’exemple, l’AFNIC administre l’extension « .fr » et tous les NIC sont gérés par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers).
Le 20 juin 2011, le conseil d’administration de l’ICANN votait, pendant la conférence de Singapour, le lancement des nouvelles extensions génériques de noms de domaine (new gTLD’s). Cette ouverture du système de nommage de l’internet permet à toute personne de créer un nom de domaine composé du nom d’une entreprise, d’une activité ou de tout terme générique tel que « .love », « .gay », « .nike », « .assurance » …
Pour obtenir l’extension souhaitée, le candidat doit verser une somme de 185.000 US $ pour le simple dépôt de sa candidature et devra ensuite s’acquitter de 25.000 US $ par an de frais de gestion.
Depuis la date d’ouverture du dépôt des candidatures, plus de 1.900 dossiers ont été déposés, dont parfois entre 50 et 90 demandes pour une seule et même entreprise. Après analyse et traitement des demandes par l’ICANN, le nombre de nouveaux TLD avoisinerait les 1 400.
Selon l’ICANN, cette ouverture était souhaitable en raison du nombre toujours croissant d’internautes. Elle permettrait une plus grande proximité des internautes avec les services accessibles en ligne. Toutefois, cette nouveauté pourrait être créatrice de confusion particulièrement en raison du caractère générique des extensions pouvant être enregistrées. Par ailleurs, les frais d’obtention de l’extension font craindre des coûts supplémentaires pour les Internautes.
L’ICANN a décidé de mettre en place une ouverture progressive et encadrée de ces « new gTLD’s » et notamment de procéder à un examen des candidatures, en tenant compte des éléments techniques et financiers relatifs au candidat et plus généralement des impacts sur la stabilité de l’internet. En mars 2013, se clôturait la période des candidatures et des objections.
Pour la plupart des commentateurs, il s’agit d’un « tournant historique » ; de « la plus importante révolution connue par notre industrie depuis la naissance de l’internet ». S’il est incontestable que ces nouvelles extensions représentent un changement indéniable, doit-on pour autant parler d’un « nouvel âge de l’internet » ou d’un changement de paradigme?
I. Une représentation différente de l’internetSi un paradigme peut se définir comme « la représentation du monde », alors les nouvelles extensions pourraient représenter pour Internet un changement de paradigme.
Pour les membres de l’ICANN, cette innovation devrait permettre de « libérer l’imagination humaine » et de « déclencher un nouvel âge d’Internet ».
- Les améliorations prévisibles
Cette ouverture améliore l’accès à Internet pour les internautes, entreprises ou particuliers, publiant du contenu, que celui- ci soit personnel (blog), publicitaire ou informatif …. En conséquence, le panel du choix du choix sera plus étendu et l’internaute pourra qualifier le contenu qu’il publie dès le choix de son nom de domaine.
Cette innovation a également l’avantage d’offrir aux internautes une plus grande proximité avec les services accessibles en ligne.
Par exemple, une société de renommée internationale après avoir acquis l’extension de son choix, pourra proposer ses offres de produits et de services en ligne sous son propre nom. Le site sera ensuite décliné dans plusieurs langues mais restera au nom de la société toujours sous la même URL. Il en résulte qu’en consultant les pages de recherches, et grâce à l’identification de l’entreprise ou de son activité dans l’url du site Internet, l’internaute aura plus facilement accès à l’information qu’il recherche. En outre, ces nouvelles extensions permettront de diriger l’internaute directement sur une page correspondant à un contenu officiel maîtrisé par la société (ex : .clio.renault).
Les noms de domaine auront ainsi un rôle assimilable à celui d’un moteur de recherche.
- L’éventuelle ouverture de la concurrence
Il est probable que l’augmentation du nombre de gestionnaire de noms de domaines fasse émerger une compétition commerciale concernant notamment les prix de la réservation ou la qualité de services. Toutefois, à ce jour, il n’est pas possible de connaître les prix qui seront proposés aux internautes pour enregistrer un nom de domaine. Il est cependant possible que la concurrence entre les bureaux d’enregistrement fasse bénéficier les internautes de tarifs plus compétitifs.
II. La persistance de problématiques similaires
Les préoccupations des internautes sont importantes face à l’avènement de ces nouvelles extensions génériques. La plus importante concerne les risques en matière de propriété intellectuelle. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui dénoncent la grande confusion qui devrait régner lorsque le système sera effectivement en place. A ce stade, les propos ne peuvent être que prospectifs mais la réalisation des risques signalés semble très probable, malgré les systèmes de protection mis en place.
- Un risque accru d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle
Les deux infractions les plus fréquentes sont le pishing et le cybersquatting.
Le pishing consiste à proposer aux internautes de se connecter sur le site web, d’une marque renommée, qui est en réalité un site frauduleux mais similaire en tous points au site authentique afin d’obtenir des informations sensibles (données bancaires notamment) concernant les internautes.
Le cybersquatting consiste à enregistrer un ou plusieurs noms de domaine correspondant à la marque d’une entreprise connue afin de capter le trafic commercial qui lui est normalement destiné et surtout de revendre, au titulaire du droit de marque, le nom de domaine frauduleusement enregistré à un prix très élevé.
En raison de l’augmentation du nombre de nom de domaine, une hausse importante des coûts de gestion de marques est à craindre pour les entreprises, qui devront multiplier les enregistrements défensifs, afin d’éviter toute possibilité d’infraction et notamment de cybersquatting contre leur(s) signe(s). En effet, une pratique défensive consiste à enregistrer les noms de domaine dans des extensions non utilisées pour les réserver et éviter ainsi tout risque tenant à une réservation frauduleuse.
A ce titre, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a émis des recommandations visant à promouvoir des mécanismes de protection préventive des droits de propriété intellectuelle et notamment à favoriser les titulaires de droits antérieurs pour l’obtention des nouvelles extensions.
Pour ce faire, l’ICANN a décidé que l’octroi d’une extension ne se ferait qu’après analyse des dossiers déposés par les requérants et qu’un droit de priorité d’enregistrement serait accordé au titulaire d’un droit antérieur.
Selon la même logique, l’ICANN a permis à toute personne de s’opposer à l’attribution de l’extension litigieuse, en formulant des objections dans l’hypothèse où une candidature porterait atteinte aux intérêts légitimes de l’opposant. Cette possibilité était ouverte jusqu’au 13 mars 2013. L’ICANN avait ouvert quatre procédures d’opposition distinctes et autonomes dont l’une visait spécifiquement la défense des droits de propriété intellectuelle des titulaires antérieurs en leur ouvrant une opposition pour violation de leurs droits. Cette dernière procédure devait être portée devant le Centre de médiation et d’arbitrage de l’OMPI.
De plus l’ICANN, par décision de son Conseil d’administration du 6 mars 2009, avait proposé la mise en place d’un dispositif de protection des marques, qui serait géré par la Trademark Clearing house (TMCH) ou chambre de compensation des marques. La mission de cet organisme serait de de constituer une base de données de marques afin de surveiller que l’enregistrement des nouvelles extensions ne viole aucun droit antérieur. En principe, une alerte devrait être envoyée aux titulaires ayant enregistré leur marque dans la base de données de la TMCH. L’objectif est donc de dissuader toute personne de procéder à un enregistrement abusif de nom de domaine. L’ouverture de la TMCH était officiellement annoncée pour le 26 mars 2013, mais il semblerait que la Chambre de compensation fasse encore actuellement l’objet de vives discussions et qu’elle ne soit toujours pas ouverte.
- Un risque majeur de confusion
Précisions que l’ICCAN en tant que responsable du système des noms de domaine a pour mission d’accréditer les bureaux d’enregistrement ce qui doit lui permettre d’identifier et de fixer les normes minimales concernant l'exécution des fonctions d'enregistrement.
En raison de l’augmentation du nombre de bureaux d’enregistrement, il est probable que l’ICANN soit dans l’obligation d’avoir recours à des services tiers qui seront chargés de vérifier pour son compte la légalité des enregistrements. Il pourrait en résulter des contradictions et des complications de différentes natures. Enfin, l’on peut s’interroger l’effectivité et l’efficacité du contrôle exercé par l’ICANN sur ces nouveaux bureaux d’enregistrements.
En outre, il est à craindre que la confiance des internautes puisse être fortement réduite, en raison de la difficulté d’identifier la source des informations mises en ligne. En effet, la possibilité de créer de nouvelles extensions génériques permettra à toute personne physique ou morale, d’enregistrer le nom de son choix qu’il s’agisse du nom d’une entreprise ou d’une activité.
Consciente de ce risque de confusion, l’ICANN a annoncé qu’elle évaluerait, avant toute attribution d’une nouvelle extension, l’incidence de l’extension générique proposée sur la confusion qui pourrait impacter les consommateurs et la stabilité d’Internet.
Pour tenter de limiter ce risque de confusion, l’ICANN a prévu des procédures d’opposition spécifiques. Lorsqu’il existe un risque de confusion entre une extension déjà existante et la demande qui a été faite par un requérant, une procédure spécifique était ouverte devant l’International Center For Dispute Resolution. De même, une procédure d’opposition a été créée pour les réclamations relatives à l’intérêt public. Cette procédure doit être actionnée devant la Chambre de Commerce Internationale. Enfin, une dernière procédure permettant à toute personne de s’opposer à l’usurpation d’un lien de communauté était ouverte devant la Chambre de Commerce Internationale.
Malgré toutes ces préventions, il est à craindre que la confusion soit inhérente à la possibilité ouverte par l’ICANN de s’approprier des termes génériques, c’est-à-dire des choses communes dont l’usage est normalement destiné à tous. Cette ouverture des extensions génériques entrainent donc de nombreuses questions juridiques : un requérant peut-il s’approprier un terme générique ? Quels sont les impacts d’une telle appropriation sur les concurrents de l’entreprise ayant enregistré comme nom de domaine une activité sous un terme générique ? L’interrogation est d’autant plus forte lorsque l’entreprise qui dépose une candidature pour une extension est déjà en position dominante sur le marché concerné …
En France, la libéralisation des extensions génériques entrera vraisemblablement en conflit avec le droit national, puisque avant même l’ouverture effective de la possibilité de créer ces nouveaux noms de domaine la Cour de Cassation par un arrêt daté du 4 mai 2012 (n°11-11180), sanctionnait un avocat qui avait réservé le nom de domaine suivant <avocat-divorce.com>, ce qui selon la Cour suprême aboutissait « à une appropriation d’un domaine d’activité que se partage l’ensemble de la profession et [qui] entreten[ait] la confusion dans l'esprit du public ».
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
CHAVANE DE DALMASSY Juliette
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