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L’acquéreur d’un site pollué, nouveau responsable de l’obligation de remise en état ?
Publié le :
08/10/2018
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Dans un contexte de réhabilitation de friches industrielles et d’aménagement foncier, le droit de l’environnement est désormais devenu une composante incontournable en matière de mutations immobilières.
Tant la jurisprudence que la loi ont, ces dernières années, considérablement renforcé l’immixtion des règles environnementales en matière notamment de ventes immobilières.
L’importance du contentieux qu’a à connaître la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière immobilière, et qui a trait notamment à des problématiques d’obligation d’information spécifique du vendeur, de recours de l’acquéreur en cas de découverte de pollution, d’interprétation de clauses de garantie de passif environnemental…s’avère à ce titre suffisamment éloquente [1].
Néanmoins, et jusque récemment, seul le droit de l’environnement s’invitait dans le droit de la vente sans que la réciproque ne soit vraie. La propriété du site pollué ne constituait en effet pas un critère dans la détermination des débiteurs de l’obligation administrative de remise en état.
Dès lors, le propriétaire ou l’acquéreur d’un site pollué n’était jamais inquiété en cette seule qualité au titre de la remise en état de celui-ci[2].
Une première brèche a tout d’abord été ouverte en matière de police des déchets. La jurisprudence a ainsi considéré que le propriétaire d’un terrain sur lequel des déchets avaient été entreposés pouvait être regardé, en l’absence de détenteur connu, comme leur détenteur et donc tenu, à ce titre, de leur élimination[3].
La loi ALUR[4] a ensuite instauré une nouvelle hiérarchie des responsables de la pollution des sols, laquelle a été reprise à l’article L. 556-3 dans le Code de l’environnement.
Ces dispositions permettent notamment, de manière subsidiaire et sous certaines conditions, de rechercher la responsabilité du propriétaire de l’assiette foncière du site pollué au titre de la remise en état des sols pollués.
Toutefois, ces hypothèses obéissent à des conditions assez strictes et ne sont envisagées que manière résiduelle.
Or, par un arrêt récent du 29 juin 2018[5], le Conseil d’Etat vient, semble-t-il, d’identifier le propriétaire comme débiteur de l’obligation administrative de remise en état au titre de la législation relative aux installations classées, et ce en s’affranchissant des conditions précitées, sur le seul fondement de son acte d’acquisition du terrain.
On ne saurait donc trop insister sur le véritable enjeu rédactionnel des actes portant sur un site pollué et le nécessaire accompagnement par un spécialiste en la matière.
Si l’importance de la formulation des clauses environnementales, notamment de garantie ou de transfert du passif, avait déjà pu être mise en exergue s’agissant des rapports entre le vendeur et l’acquéreur, en revanche l’administration avait toujours refusé l’opposabilité de ces conventions à son égard.
La jurisprudence considérait en effet que l’obligation de procéder à la remise en état d’un site pollué par une installation classée pesait sur le dernier exploitant ou son ayant droit sans que les contrats de droit privé ne puissent permettre de transférer l’obligation elle-même.[6]
Néanmoins, dans le présent arrêt commenté, le Conseil d’Etat affirme, aux termes d’un considérant de principe :
« Considérant qu’en vertu des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l’environnement, dans leur rédaction alors en vigueur, l’obligation de remise en état du site prescrite par les articles R. 512-39-1 et suivants du même code pèse sur le dernier exploitant ou son ayant droit ; que le propriétaire du terrain d’assiette de l’exploitation n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de cette obligation ; qu’il n’en va autrement que si l’acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d’assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l’exploitant ».
La juridiction administrative rappelle ici le principe selon lequel le propriétaire foncier n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de l’obligation administrative de remise en état.
Cependant, elle vient ensuite préciser que celui-ci pourrait néanmoins être recherché au titre de cette obligation si l’acte par lequel il a acquis le terrain a eu pour effet de le substituer à l’ancien exploitant, et ce même sans autorisation préfectorale.
Il s’agit là de l’apport essentiel de cet arrêt qui admet l’exception selon laquelle la substitution dans la qualité d’exploitant, avec les obligations en découlant, serait susceptible de s’opérer par le seul biais d’un acte de droit privé.
Auparavant une telle substitution n’était envisagée que dans le cadre d’une procédure de changement d’exploitant nécessitant la délivrance d’une autorisation préfectorale.
La question se pose désormais de savoir comment seront interprétés les actes opérant un transfert de la propriété du site.
Une chose est sûre : il ne suffit pas que le contrat concerne le terrain d’assiette de l’installation classée pour que l’acquéreur soit considéré comme le débiteur de l’obligation de remise en état.
L’acte doit en effet porter sur le site en lui-même avec « l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée » et être constitutif d’une véritable substitution.
Nul doute que cette formulation particulièrement large et générale nourrira à son tour un contentieux abondant.
Par conséquent, il convient d’être particulièrement vigilant lors de la conclusion des actes opérant un transfert de propriété d’un site pollué aux fins d’intégrer, le cas échéant, cette nouvelle problématique eu égard notamment aux enjeux financiers particulièrement importants pouvant en résulter.
Seule une rédaction précise des clauses de garantie de passif environnemental sera de nature à protéger l’acquéreur qui ne souhaiterait pas se voir transmettre la qualité d’exploitant avec l’obligation de remise en état qui y est attachée.
Cet article a été rédigé par Me Marie LETOURMY. Il n'engage que son auteur.
[1] Pour des exemples récents : Cass. 3ème civ., 26 juin 2017, n°16-18.087 ; 15 mars 2018, n°17-10.396…
[2] En effet, seul le détenteur/producteur était débiteur de l’obligation de remise en état au titre de la police des déchets et, s’agissant de la législation ICPE, seul l’exploitant ou son ayant droit s’avérait concerné.
[3] CE, 26 juillet 2011, n°328651, Commune de Palais-sur-Vienne ; Cass. 3ème civ., 11 juill.2012, n°11-10.478
[4] Loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite loi « ALUR », article 173
[5] CE, 29 juin 2018, n°400677, publié aux tables du Recueil Lebon
[6] Cass. 3ème civ., 16 mars 2005, n°03-17.875
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