Créanciers, ne vous trompez pas de cible !
Auteur : provansal
Publié le :
24/08/2020
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2020
L’arrêt prononcé le 17 juin 2020 (n° 19-13153) par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation remet les pendules à l’heure quant aux notions de sûreté pour autrui, de cession de créance en garantie et de déclaration de créance tout en faisant le point de savoir quel est le véritable débiteur.
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Les faits sont les suivants :
Une indivision de crédits-bailleurs a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec une société civile immobilière. L’immeuble a été donné en sous-location à une société holding dont dépendait la SCI bailleresse.
La société holding a consenti comme garantie donnée aux co-bailleurs un nantissement sur ses parts dans la SCI.
Cette dernière a consenti une cession des sous-loyers reçus de la holding.
La SCI a fait l‘objet d’une mesure de sauvegarde et la société holding a été mise en redressement judiciaire.
Les crédits-bailleurs ont déclaré une créance au passif de la holding.
A la suite de la contestation élevée la Cour d’appel a rejeté la créance et la Cour de cassation a donc examiné le pourvoi.
Le rejet de celui-ci est prononcé après la double affirmation suivante :
- Que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’autrui n’implique aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté ; donc le créancier ne peut agir contre lui qui n’est pas son débiteur.
- Que la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée (soit en l’espèce la créance de sous-loyers) et non celle de la créance garantie (soit en l’espèce la créance de loyers).
La Cour en conclut que n’étant créanciers qu’au titre de la créance née du contrat de bail conclu avec la SCI les crédits-bailleurs n’avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la société holding.
La solution ne peut qu’être approuvée sur les deux motifs combinés.
LA SURETE POUR AUTRUI
Sur le régime de la sûreté pour autrui la Haute Juridiction ne fait que confirmer la jurisprudence établie :
Ch. Mixte 2005, 2 décembre 2005, n° 03-18210 : le tiers qui a consenti le nantissement de ses parts de la société débitrice principale n’est pas non plus engagé personnellement à la dette. Il n’en répond que jusqu’à concurrence de la valeur des parts en cas de défaillance dudit débiteur. Dans cet arrêt l’épouse du débiteur prétendait à l’annulation du cautionnement réel faute de respect des dispositions de l’article 1415 du Code civil. Elle est déboutée par la Cour de Limoges et le pourvoi est rejeté aux motifs énoncés ci-dessus.
Cass. civ. 3, 12 avril 2018, n° 17-17.542, FS-P+B+I : La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers, laquelle n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, n'est pas un cautionnement, de sorte que l'article 2314 du Code civil) ne lui est pas applicable.
Cass. civ. 1, 22-09-2016, n° 15-20.664 : Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que le nantissement d'un meuble incorporel constitue une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, laquelle n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les articles L. 341-2 du code de la consommation et 1415 du code civil n'étaient pas applicables au nantissement donné par M. Z.
Mais la loi est aussi en ce sens :
D’abord l’article 2334 du code civil inclus au Titre III « Des sûretés réelles », Sous-titre II « Des sûretés mobilières », Chapitre 2 « Du gage des meubles corporels » à la section 1 sur les « dispositions communes du gage » : « Le gage peut être consenti par le débiteur ou par un tiers ; dans ce dernier cas, le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie. »
Ensuite l’article L 311-1 du code des procédures civiles d’exécution qui, indirectement, en permettant la saisie de l’immeuble du tiers détenteur recouvre la saisie de l’immeuble de celui qui l’a donné en garantie pour autrui et non seulement de celui qui le possède sans qu’il ait été purgé des inscriptions qui le grèvent.
Le fait qu’aucun texte identique à l’article 2334 n’existe par défaut de l’ordonnance du 2 » mars 2006, alors que la commission de réforme des sûretés avait bien prévu tous les cas de sûretés réelles pour en permettre la constitution par un tiers à la dette, n’empêche pas doctrine, pratique et jurisprudence que toute sûreté réelle peut être consentie par autrui.
LA DECLARATION DE CREANCE :
Un créancier doit, en cas de procédure collective, déclarer sa créance entre les mains du mandataire de justice dans les délais légaux, sous peine de la voir s’éteindre.
Encore faut-il savoir dans quelle procédure collective la déclarer quand les procédures collectives se superposent, se rejoignent, entrent en confusion ou sont en parallèle.
Car alors l’erreur est fatale : par exemple, il a déjà été jugé notamment que la créance détenue sur une société objet d’une procédure collective ne pouvait être déclarée dans une autre procédure collective :
Cass. com., 19 février 2002, n° 98-22.011 : Pour le cas de confusion des patrimoines.
Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-24.014 : Pour le cas de sociétés du même groupe avant même confusion des patrimoines.
En l‘espèce objet du présent article, les créanciers indivisaires n’étaient pas créanciers du sous-locataire. Les sous-loyers dus à celui-ci au locataire étant seulement donnés en garantie par celui-ci à ceux-ci.
Comme la sûreté pour autrui, on l’a vu, n’entraine pas d’engagement personnel, le sous-locataire n’était pas débiteur et il n’y avait pas à déclarer de créance à sa procédure collective.
Le débiteur était le locataire, par ailleurs, lui aussi en état d’une procédure collective dans laquelle la déclaration de créance devait être faite.
L’arrêt de la Cour de cassation ne permet pas de dire si la SCI locataire a déclaré une créance de sous-loyers à la procédure de sa holding ou non, car sinon les créanciers initiaux pouvaient user de l’action oblique pour déclarer à sa place non pas leur créance mais la sienne. Ce qui leur permettait quand même d’espérer récupérer dans cette procédure de redressement judiciaire en cas d’actif suffisant ou de meilleure fortune une partie de leur propre créance lesdits sous-loyers étant garantis à leur profit.
Mais c’est là un autre débat qui ne doit pas occulter la question principale : créanciers ne vous trompez pas de cible !
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
Historique
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