Quel est le rôle des avocats pour relancer la croissance ?
Publié le :
12/02/2013
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2013
Denis Muzet enseigne au Master II Communication Politique et sociale, Département Sciences Politiques de Paris I, il est le Président et fondateur de l’Institut Médiascopie (site officiel).
Version PDF téléchargeable ici.
Les mots de la crise :
Strasbourg a une dimension de capitale mondiale des droits de l’homme. Il y a de cela quelques années, l’Institut Médiascopie avait organisé une enquête sur les mots de Strasbourg capitale européenne. Au cours de cette enquête, un échantillon représentatif d’habitants avait été sélectionné. Le constat dressé par cette enquête était qu’il fallait que Strasbourg affirme son statut de capitale mondiale des droits de l’homme.
«Les mots de la crise» c’est le titre d’un livre et d’une enquête que l’Institut Médiascopie a consacré à ce sujet, quatre enquêtes ont été menées une fin 2008 ainsi qu’une autre en 2009 en 2011 et cette dernière enquête de 2012. Mais quelle est la nature de cette crise ? La crise est auscultée du point de vue sociologique et non économique et c’est bien là que le bât blesse. Comment les français vivent-ils la crise de l’intérieur ? La crise se vit par des mots car il n’y a pas de photographie de la crise. Entre produits toxiques, crack boursiers c’est métaphores sur métaphores souvent climatiques utilisées par les journalistes qui usent de leur plume pour susciter l’angoisse. Cette crise de 2012 étudiée grâce à une enquête qualitative et quantitative est de nature différente de celle de 2008. Elle est plus profonde, c’est une crise de la souveraineté, c’est une crise mondiale, une crise de la production et de la consommation. C’est également une crise européenne avec la dette et l’euro dont il n’était pas question en 2008. On est passé d’une crise de la finance à une récession puis à une régression (5 au total) :
1. la régression économique avec la désindustrialisation
2. une régression syndicale (on décompte un nombre de plus en plus faible de syndicats)
3. une régression sociale et morale avec des inégalités insupportables pour les français, inégalités révélées par la crise de 2008.
4. une régression informative : notre système d’information dysfonctionne les médias sont en berne
5. une régression politique : (voir l’enquête du 9 janvier dans le Monde) le diagnostic de la crise du politique peut être fait en dépit de cette séquence électorale qui aurait dû susciter l’espoir. A partir des mots de l’année on voit que le mot François Hollande n’a jamais plus de 5 sur 10. L’ensemble des items qui sont rattachés au politique sont notés négativement. Ce qui est inquiétant c’est qu’on constate que la même note a été donnée pour le score des élections législatives de Marine Le Pen et la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon.
Face à cette quintuple crise quelles sont les réponses de la société ? Il n’est pas étonnant que la société ait peur. Trois grandes peurs persistent dans la crise.
L’Institut Médiascopie a sélectionné 200 mots pour dire la manière dont la crise est parlée. Parmi 600 mots, ils en ont retenu 200 qu’ils ont fait noter dans une étude en ligne. Plus ce mot inquiète plus on lui donne une note proche de 10 ; plus il nous rassure plus on met des notes proches de 0. Plus ce mot concerne l’environnement mondial plus vous lui donnez une note proche de 10, plus cela vous concerne personnellement vous donnez une note proche de 0. Le constat est cinglant : un plus grand nombre de mots inquiètent que rassurent.
La première grande peur est l’angoisse des fins de mois difficiles. On va vers une consommation à deux vitesses d’un côté l’indispensable, se nourrir, se loger, et de l’autre l’accessoire, les vacances, les petits plaisirs. La deuxième grande peur est celle de perdre son emploi. C’est le spectre du chômage, il s’éloigne de l’individu car il met en jeu des considérants qui touchent la croissance. L’individu est tout de même impacté. Le mot le plus inquiétant est « 3 millions de demandeurs d’emploi en France ». «Le mal-être au travail» et «les suicides en entreprise» : ces deux items font partie intégrante de l’inquiétude. Face à cela les filets de sécurité étatiques inquiètent plus qu’ils ne rassurent. Pourquoi inquiètent-ils ? Ils inquiètent car il n’y a pas un jour sans qu’il n’y ait un papier sur l’assurance chômage. Nous avons des amortisseurs sociaux importants mais nous habitons dans un pays qui fait la fine bouche. Il y a un vif sentiment d’impuissance des salariés. De manière incongrue dans une France aussi marquée du sceau de l’Etat on observe un manquement de l’Etat à ses fonctions régaliennes.
La troisième peur est la peur de l’autre et la montée de l’individualisme qui en résulte, on observe une tendance au repli sur soi. En 2009, l’enquête réalisée par Médiascopie mettait en lumière qu’il y avait une envie de construire une économie solidaire. Aujourd’hui, l’individualisme prime. Il y a une certaine importance accordée à l’épargne et au patrimoine ainsi qu’une primauté donnée à la sphère domestique sur la sphère sociale. C’est la famille aujourd’hui qui est le mot le plus rassurant.
♦ Quelles sont les réponses du politique :
Dans ce contexte, le repli sur soi se matérialise au niveau politique et économique par le protectionnisme. Les institutions qu’elles soient politiques, professionnelles ou syndicales peinent à rassurer et l’Etat ne rassure plus car chacun sait qu’il ne peut tout faire. Les échelons supranationaux ne valent guère mieux.
La solution passe par la croissance :
Il y a trois ans dans l’enquête réalisée par Médiascopie le mot croissance inquiétait, il fallait rajouter croissance verte pour qu’il rassure. Fin 2012, le mot croissance rassure plutôt, il est noté entre 3 et 4/10. Il produit un meilleur effet sur la population. Les citoyens accueillent le mot compétitivité beaucoup mieux, le mot flexibilité ne suscite plus de crispation. La croissance est attendue comme le messie.
♦Quels rôles peuvent jouer les avocats comme acteurs de sortie ?
En tant qu’acteur de médiation le rôle de l’avocat est essentiel dans la sortie de crise, car une crise entraine des conflits plus importants. Le rôle de l’avocat réside dans la capacité d’agir et de trouver des solutions. Encore faut-il, dans une société où la parole des institutions s’est perdue, retrouver cette parole son autorité, sa crédibilité. Il faut que cette parole soit entendue.
Dans ce type d’enquêtes où sont notés des mots on réussit à contourner les limites des enquêtes traditionnelles qui sont purement déclaratives et où le sondé donne une réponse convenue. S’ils testent les mots c’est pour capter le ressenti de la population vis-à-vis du sujet car le rôle des mots est essentiel. Un déficit de crédibilité touchent les opérateurs de l’intermédiation car il faut compter sur un autre acteur d’intermédiation : les médias qui exacerbent et cristallisent les peurs. Les médias pratiquent le marketing de la peur, la peur crée l’audience qui elle-même engendre une crise du sens. Plus de la moitié du temps de veille est diffusé via écran, les journalistes jouent les magistrats et usent de la même scénographie. Il n’est pas nécessaire qu’une chose soit vraie pour être crue. Les avocats n’échappent pas à cette crise de confiance comme les autres acteurs d’intermédiation. Ce n’est pas le texte qui parle mais le contexte.
Pour vous faire entendre :
1. La redéfinition : on écoute que celui qui dit qui il est. Est-ce que la définition que vous faîtes de la profession d’avocat est audible, claire, comprise est-ce que cette définition est assez ambitieuse ? La dimension symbolique est essentielle on ne peut pas faire l’économie d’une entité dont l’identification est en devenir.
Il faut dépasser la crise en procédant à une redéfinition de vos métiers car c’est une crise de sens, on n’en sort que si on crée du sens.
2. Ecrire un récit : il vous faudra un récit car il n’y a pas de sens sans récit, c’est un chemin. Comment organiser le voyage entre la crise et la croissance ? Il faut chercher les mots justes, chercher le récit global des avocats !
Denis MUZET le 1er février 2013, Strasbourg
Sur le même thème:
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Cet article n'engage que son auteur.
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