Nouvelle illustration de la recevabilité d’un enregistrement clandestin, en matière de contentieux accident du travail / maladie professionnelle
Publié le :
05/07/2024
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Par son arrêt du 6 juin 2024 (Cass. 2e civ., 6 juin 2024, nº 22-11.736), la Cour de cassation, deuxième chambre civile, poursuit sa jurisprudence sur la recevabilité des enregistrements réalisés à l'insu de leur auteur, cette fois-ci dans le cadre d’un contentieux portant sur la reconnaissance d’un accident du travail et de la faute inexcusable de l’employeur.
Contexte de l'Affaire
L'affaire concerne un salarié, qui a déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques de la part de son employeur. La Caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle. L'employeur a soulevé, devant la juridiction sociale, l’inopposabilité de cette décision, motif pris que l’enregistrement produit par le salarié avait été réalisé à son insu et qu’il s’agissait d’un procédé déloyal. Parallèlement, le salarié a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.La Décision de la Cour de Cassation
Depuis quelques temps, la rédaction des arrêts de la Cour de Cassation se veut pédagogique.La Cour commence donc par rappeler les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, sur le droit à la preuve, permettant de déclarer une preuve illicite recevable si elle est indispensable au succès de la prétention de celui qui s'en prévaut et que l'atteinte aux droits antinomiques en présence est proportionnée au but poursuivi.
Elle poursuit en rappelant ce qu’était sa position antérieure sur l’irrecevabilité d’une preuve obtenue de manière clandestine ou par une manœuvre ou un stratagème.
Elle rappelle ensuite le revirement de jurisprudence intervenu le 22 décembre 2023 (n°20-20.648) aux termes duquel l’illicéité ou la déloyauté dans l'obtention d'une preuve ne la rend plus automatiquement irrecevable, le juge devant apprécier si la preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance droit à la preuve et droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes…)
Elle conclut sa motivation en précisant que, après avoir recherché, « comme elle le devait, si l’utilisation de l’enregistrement de propos réalisé à l’insu de leur auteur, portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime, la cour d'appel a pu déduire que la production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur. »
Ainsi, l'atteinte à la vie privée du gérant était proportionnée à la nécessité de prouver les violences alléguées par le salarié.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler la méthodologie que doivent désormais appliquer les juridictions pour apprécier la recevabilité d’une preuve.
Attention à ne pas abuser de ce nouveau moyen de preuve, qui doit rester mesuré et strictement indispensable au succès d’une prétention.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Magalie MARCHESSEAU LUCAS
Avocate Associée
AVOCADOUR - membre du GIE AVA
Pau (64)
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