Changement de nom : comment caractériser l’intérêt légitime ?
Publié le :
28/06/2018
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Il est essentiel d’établir par différentes preuves les circonstances exceptionnelles ou le préjudice traumatisant justifiant la demande de changement du nom.
CE, 16 mai 2018, N° 409656
La demanderesse au changement de nom avait été abandonnée par son père en 1997, alors qu'elle était âgée de quatre ans. A compter de cette date, aucun contact n'avait été mis en place par son père; il n'avait subvenu ni à son éducation ni à son entretien, alors pourtant qu'il en avait l'obligation en vertu d'une ordonnance du 20 janvier 1994 du juge aux affaires matrimoniales. Enfin, il n'avait exercé aucun droit de visite et d'hébergement.
Manifestement délaissée depuis toujours par son père, la demanderesse avait entrepris une démarche de changement de nom afin de ne porter que le nom de sa mère.
Tant le garde des sceaux, ministre de la justice, que les juridictions administratives amenées à statuer ont rejeté cette demande estimant que la demanderesse ne justifiait d'aucune circonstance exceptionnelle susceptible de caractériser l'intérêt requis pour changer de nom au sens de l'article 61 du code civil.
Précédemment, le Conseil d’Etat, le 31 Janvier 2014, avait déjà jugé que « les motifs d’ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l’intérêt légitime requis par l’article 61 du Code Civil, pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ».
Il s’agissait en l’espèce de deux frères brutalement abandonnés par leur père, alors qu’ils étaient âgés de 8 et 11 ans. Tout comme la demanderesse abandonnée par son père en 1997, le père n’avait plus eu aucun contact avec les deux garçons, il n’avait subvenu ni à leur éducation ni à leur entretien, alors qu’il en avait l’obligation en vertu du jugement prononçant son divorce. Il n’avait d’ailleurs jamais exercé son droit de visite et d’hébergement.
Il est cependant primordial de souligner que, lors du dépôt de la demande de changement de nom, il faudra apporter au Ministre de la Justice non seulement :
- la preuve concrète du désintérêt du père ou bien d’un événement familial particulier mais également ;
- démontrer que ces faits exceptionnels ont eu pour conséquence un véritable impact psychologique et/ou physique, un traumatisme, sur la personne du demandeur.
Il est donc impératif de pouvoir apporter des preuves objectives justifiant ces éléments.
Il est également important de noter que un tel motif sera d’autant plus recevable si la personne a fait un usage prolongé d’un autre nom (le plus souvent le nom du parent qui ne l’a pas abandonnée) à cause de ces circonstances exceptionnelles.
En outre, dans un autre arrêt du 5 mars 2014 (n° 370168), le Conseil d’État a considéré que la seule volonté de reprendre le nom maternel ne suffisait pas à caractériser l’intérêt légitime.
Aussi, il est donc possible que dans l’affaire étudiée du 16 Mai 2018, la demanderesse n’avait pas apporté suffisamment de preuves objectives justifiant ces éléments ; avançant simplement la seule volonté de reprendre le nom de sa mère, ce qui ne justifie pas selon un arrêt du CE de 2014, à caractériser l’intérêt légitime. Ainsi, il demeure essentiel d’établir par différentes preuves les circonstances exceptionnelles ou le préjudice traumatisant justifiant la demande de changement du nom.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © DURIS Guillaume - Fotolia.com
Auteur
ALCALDE Céline
Avocate Associée
DELRAN BARGETON DYENS SERGENT ALCALDE , DELRAN BARGETON DYENS SERGENT ALCALDE
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