Construction démontable et exigence d’un permis de construire
Publié le :
16/10/2012
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L'arrêt du 18 juillet 2012 a pour intérêt de mettre l'accent sur l'usage de la construction démontable.
L'usage de la construction démontableConseil d’Etat, 18 juillet 2012, n° 360.789.
L'arrêt
L'arrêt de la Haute juridiction administrative rappelle que selon l'art. L. 421-5 du Code de l'urbanisme : "Un décret en Conseil d'État arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / a) De leur très faible importance ; / b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés ; (...)" et aux termes de l'art. R. 421-5 du même code : "Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel elles sont destinées, les constructions implantées pour une durée n'excédant pas trois mois. / Toutefois cette durée est portée à : / a) Un an en ce qui concerne les constructions nécessaires au relogement d'urgence des personnes victimes d'un sinistre ou d'une catastrophe naturelle ou technologique ; b) Une année scolaire en ce qui concerne les classes démontables installées dans les établissements scolaires ou universitaires pour pallier les insuffisances temporaires de capacités d'accueil ; c) La durée du chantier, en ce qui concerne les constructions temporaires directement nécessaires à la conduite des travaux ainsi que les installations liées à la commercialisation d'un bâtiment en cours de construction et pour une durée d'un an en ce qui concerne les constructions nécessaires au maintien des activités économiques ou des équipements existants, lorsqu'elles sont implantées à moins de trois cent mètres du chantier ; d) La durée d'une manifestation culturelle, commerciale, touristique ou sportive, dans la limite d'un an, en ce qui concerne les constructions ou installations temporaires directement liées à cette manifestation. / A l'issue de cette durée, le constructeur est tenu de remettre les lieux dans leur état initial.".
Pour le Conseil d'État il ressort de ces dispositions que la possibilité de bénéficier de la dispense de permis de construire prévue par l'art. L. 421-5 ne résulte pas uniquement du caractère temporaire ou démontable de la construction projetée mais aussi de l'usage auquel cette construction est destinée : le projet des requérants consiste en la construction d'un établissement de restaurant de plage démontable, d'une surface d'environ 170 m² pour le bâti, accompagné d'une terrasse et structure de 550 m².
Eu égard à ses caractéristiques et à l'usage auquel il est destiné, ce projet n'entre pas dans les catégories de constructions dispensées de permis de construire par les art. L. 421-5 et R. 421-5 du Code de l'urbanisme. Ainsi, en se fondant sur le motif tiré de ce que les travaux avaient été réalisés sans autorisation d'urbanisme, le maire de Ramatuelle n'a pas entaché l'arrêté litigieux d'illégalité manifeste ; un tel motif suffit à lui seul à justifier l'arrêté attaqué.
Un certain flou
La dispense prévue par l'article R. 421-5 (nouveau) du Code de l'urbanisme tient compte de l'inclusion ou non dans un secteur sauvegardé (ou un site classé). Si les constructions implantées pour une durée n'excédant pas 3 mois sont dispensées de toute formalité, ce délai est limité à 15 jours dans les secteurs sauvegardés. Par ailleurs, des délais spécifiques ont été mis en place pour certaines constructions (constructions pour
relogement d’urgence, classes, constructions temporaires pour un chantier). Dans tous les cas, à l'issue du délai, le constructeur est tenu de remettre les lieux dans leur état initial.
L' imprécision tient, d'une part, à la durée de l'installation « démontable » et à la différenciation entre constructions temporaire, saisonnière et précaire.
La durée d'implantation d'une construction temporaire ne doit pas, en principe, excéder trois mois, mais il s'agit d'une durée susceptible de varier selon les genres de constructions (C. urb., art. R. 421-5, al. 2 et R. 421-6).
Quant à la construction démontable, comme l'arrêt relaté le rappelle, rendu après un référé, la circonstance qu'une construction soit aisément démontable ne suffit pas à la dispenser de permis de construire. Aux termes de précédentes décisions, le Conseil d'État a fait une distinction que l'on peut qualifier de subtile parmi les constructions présentées comme démontables.
Ainsi il a rejeté des bâtiments temporaires à usage principal de bureaux (16 nov. 1984), une surélévation partielle de l'immeuble en matériaux « en matières démontables » (6 mars 1991, n° 12166), un snack-bar malgré son caractère démontable (31 mai 1995, n° 125225), des « structures légères » de vente de vêtements et chaussures, à implanter pour la « saison » (27 mars 1996, n° 107927) mais a validé la construction sur une plage d'un bar et d'une piscine démontables après chaque saison (13 mars 1992). Il faut toutefois noter que certaines de ces décisions ont été rendues sous l'emprise de textes qui ne sont plus en vigueur aujourd'hui (installations de chantiers, construction sur les plages).
L'arrêt du 18 juillet 2012 a pour intérêt de mettre l'accent sur l'usage de la construction démontable ; aussi il n'y a pas une dispense absolue de permis de construire dans les situations visées aux textes mais une dispense relative dont l'application relèvera de l'appréciation des juges, préalablement du maire. Pour cela, le Conseil d'État se réfère de façon manifeste à la disposition réglementaire citant la prise en compte de l'usage auquel les constructions sont destinées.
Le Conseil d'État s'aligne ainsi sur les juridictions répressives comme on va le voir.
La position du juge pénal
Par un arrêt du 29 mai 2008, la Cour d'appel de Rouen (Chambre correctionnelle, R.G. N° 07/00859) a jugé une affaire où le prévenu était poursuivi du chef de construction sans permis pour avoir édifié un bâtiment à ossature de bois, sur une dalle en béton, d'une surface de 30 mètres carrés, destiné à servir d'abri à des chevaux. La Cour a relevé que cette construction relevait de la procédure du permis de construire et le fait qu'elle puisse être démontée et réinstallée ailleurs ne dispensait pas le prévenu de solliciter la délivrance d'un permis de construire.
Et la Cour de cassation, par un arrêt de sa Chambre criminelle du 17 mai 2011 (pourvoi n° 10-86.255), a rejeté le pourvoi d'une personne physique et d'une société qui soutenaient que constitue une construction temporaire non soumise à permis de construire, les constructions démontables à tout moment. Dans cette affaire, les constructions litigieuses ne comportaient pas de fondations et les tuiles qui constituaient la toiture n'étaient pas fixées (il s'agissait d'algécos posés provisoirement en attendant de terminer les gîtes autorisés).
La Cour de cassation a relevé que les énonciations de l'arrêt attaqué la mettaient en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les constructeurs coupables.
En conséquence, les nouveaux textes issus des loi et décret de 2007 n'apportent pas de réponse nette. Les juges, administratif et judiciaire, continuent et continueront d'apprécier la régularité de la dispense de permis de construire, au regard de l'usage auquel les constructions sont destinées. Avec l'arrêt du 18 juillet, on sait qu'un restaurant n'est pas le bon usage autorisant la dispense de l'autorisation de construire. Il y aura donc de bons et de mauvais usages...
Office Notarial de BAILLARGUES
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com
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