Les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des biens du domaine public sont -ils conformes à la constitution ?
Publié le :
03/12/2018
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Par une décision rendue le 27 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a affirmé que les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public étaient conformes à la constitution.
Quels étaient les faits ?
La société Brimo de Laroussilhe, exerçant une activité d’antiquaire, a acquis en 2002 un fragment du jubé (tribune élevée entre la nef et le choeur) de la cathédrale de Chartres, dit « fragment à l’Aigle ».
A la suite d’expertises, il est apparu que ce fragment avait été extrait de la cathédrale après qu’elle soit devenue propriété de l’État et faisait donc partie de son domaine public.
L’État a donc demandé la restitution de ce bien et lui a refusé la délivrance de tout certificat d’exportation.
La société a donc contesté ce refus devant le tribunal administratif de Paris, lequel a toutefois considéré que ce bien faisant bien partie du domaine public de l’Etat et que le ministre de la Culture était donc fondé à refuser de délivrer un tel certificat.
Parallèlement, la société a été assignée devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de restitution de ce meuble à l’État, lequel a obtenu gain de cause.
La société a alors interjeté appel, la Cour d’appel de Paris a toutefois là encore ordonné la restitution du bien à l’État en raison de son appartenance au domaine public.
La société s’est alors pourvue en cassation et a formé, par mémoire distinct, une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) rédigée de la manière suivante :
« Les dispositions de l’article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, en ce qu’elles ne prévoient pas de dérogation pour les meubles corporels acquis de bonne foi, méconnaissent-elles les droits et libertés garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? »Pour rappel, aux termes des dispositions de l’article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2016 :
« Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. »
En vertu du principe d’inaliénabilité, la cession de biens du domaine public est impossible. La vente d’un bien non déclassé est nulle. Selon le principe d’imprescriptibilité, une personne privée ne peut s’approprier un bien du domaine public du fait de son utilisation prolongée.
La société requérante contestait le caractère absolu des principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des biens du domaine public au nom du principe de sécurité juridique, en raison ;
- D’une part, du droit à la protection des situations légalement acquises ;
- D’autre part, du droit au maintien des conventions légalement conclues.
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel décide :
- en premier lieu, qu’aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers ;- en deuxième lieu, qu’un tel bien ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive en application de l’article 2276 du code civil, au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi ;
Par cette décision, le Conseil constitutionnel donne pour la première fois un fondement constitutionnel à deux principes fondateurs du droit administratif des biens.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © fotodo - Fotolia.com
Auteur
Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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