Publicité illicite en faveur du tabac
Publié le :
01/09/2006
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Limites1. LA SOCIÉTÉ BRITISH AMERICAN Tobacco (BAT) a fait décorer des paquets de la marque de cigarettes Winfield par un graphiste. Plus précisément, trois types de décors évoquaient un bar australien, et trois autres un bus également australien. Pour chacun de ces deux thèmes, les trois paquets pouvaient être rapprochés de manière à constituer un seul visuel.
2.1. Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a saisi le tribunal correctionnel de Quimper estimant que cette situation était constitutive d’une publicité illicite en faveur du tabac. Le jugement du 5 février 2004 a relaxé les prévenus pour les motifs suivants :
-« Aucune disposition légale ne réglemente le décor des emballages de cigarettes ni les caractéristiques de leur conditionnement.
-Les conditions de la commercialisation ne permettent pas leur assimilation à des objets publicitaires ; qu’en effet ils sont le plus souvent invisibles du consommateur qui ne peut y accéder puisqu’il se trouve de l’autre côté du comptoir du débitant de tabac et leur emballage n’a donc pas de fonction incitative à l’achat ».
En conséquence, le tribunal estimait « que la décoration des paquets de cigarettes Winfield n’est qu’une manière attrayante conçue par le fabricant de les présenter ; que cette présentation ne peut suffire à établir la volonté de celui-ci de violer les dispositions de la loi interdisant la propagande ou la publicité en faveur du tabac ».
2.2. Par arrêt du 23 juin 2005, la cour d’appel de Rennes a infirmé cette décision et condamné les trois prévenus à une amende délictuelle de 30 000 € chacun, outre des dommages et intérêts au profit du CNCT. La motivation de la cour était la suivante : « Qu’il s’agit, comme le reconnaissent d’ailleurs dans leurs écritures les défendeurs, d’adresser un clin d’oeil aux jeunes consommateurs dans le but évident de leur faire entreprendre des collections et de les inciter à la consommation de tabac ».
2.3. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre cet arrêt avec
pour élément essentiel de sa motivation : « Que se trouvent clairement prohibées par ces dispositions toutes formes de communications commerciales quel qu’en soit le support ayant pour but ou pour effet de promouvoir directement ou indirectement le tabac ou un produit du tabac ; qu’il en va ainsi des décorations de paquets de cigarettes qui associent le tabac à la jeunesse, aux voyages et aux loisirs et qui suscitent le désir d’acquérir des cigarettes d’une marque déterminée afin de compléter des séries d’images différentes ».
3.1. La première question posée par cette affaire était celle de la nature du support publicitaire des paquets de cigarettes. Sur ce plan, il existe une jurisprudence abondante dans le domaine de la publicité mensongère pour retenir que le conditionnement est susceptible de constituer un support publicitaire (1). L’application de cette jurisprudence aux paquets de
cigarettes n’est pas surprenante même si le jugement de première instance ainsi que trois décisions du tribunal correctionnel de Paris (2) avaient rendu des décisions pouvant sembler retenir un principe contraire en jugeant :
-que la loi « ne réglemente pas le décor des emballages ni les caractéristiques de l’apparence extérieure du conditionnement (des cigarettes) »,
-que « le conditionnement de ces produits par le fabricant n’implique pas de fait de la part de ce dernier l’intention d’assortir la modernisation de l’emballage des cigarettes, de l’intention de contourner le texte de la loi, d’autant que les conditions très strictes de leurcommercialisation ne permettent pas leur assimilation à des objets publicitaires ». Cependant, ces trois décisions ont été infirmées par la cour d’appel de Paris par des arrêts des 26 novembre 2004, 2 décembre 2005 et 4 avril 2006.
3.2. Il reste que l’assimilation des paquets de cigarettes à un support publicitaire pour le tabac peut donner lieu à des difficultés spécifiques. En effet, l’article L. 3 511-3 du Code de la santé publique interdit toute propagande ou publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, à l’exclusion des enseignes des débits de tabac et des affichettes disposées à l’intérieur de ces établissements, catégories dans lesquelles ne peuvent entrer les paquets. Il est difficile, dans ces conditions, de savoir quel doit être le régime de ces derniers ou de considérer qu’ils devraient être conformes aux dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 31 décembre 1992 qui fixe les caractéristiques des affichettes relatives à la publicité en faveur du tabac dans les débits de tabac (dénomination du produit, composition, caractéristiques et conditions de vente, représentation graphique ou photographique du produit, de son emballage et de l’emblème de la marque).
L’arrêt de la chambre criminelle ne permet pas de savoir comment régler cette situation. Cet arrêt, pas plus d’ailleurs que ceux des cours d’appel de Rennes ou de Paris, n’évoque l’observation du tribunal selon laquelle les conditions de commercialisation des paquets de cigarettes, non accessibles directement pour les consommateurs, rendaient impossible leur qualification de support publicitaire. Il est vrai que l’on peut estimer que cet argument était discutable.
Quoi qu’il en soit, cette décision rend particulièrement délicate pour les industriels du tabac la réalisation ainsi que la modification des paquets de cigarettes, dont on ne peut cependant raisonnablement estimer qu’ils ne pourraient plus jamais subir la moindre modification.
3.3. Une grille de lecture de l’arrêt commenté pourrait être de considérer que des évolutions purement graphiques seraient acceptables tandis
que l’instauration de visuels sans rapport avec les produits serait critiquable. Le risque serait d’autant plus important en fonction de la nature des visuels choisis : dans toutes les affaires évoquées ici, les cours ont retenu que les séries de paquets incitaient à la collection et donc à des achats multiples. Dans trois d’entre elles, elles ont retenu de plus que les paquets semblaient manifestement destinés aux jeunes consommateurs. Il est certain que si des évolutions des paquets sont envisageables, elles ne doivent pas être menées dans de telles directions.
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