Le droit des usagers des services de santé
Publié le :
01/02/2006
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2006
PrécisionsNous allons inaugurer par ce premier article une série portant sur les nouvelles dispositions concernant le droit des usagers des services de santé.
La naissance de ce nouveau siècle a vu apparaître ou plutôt concrétiser une nouvelle façon de voir la place du malade et des soignants dans le système de santé français.
L’évolution est en fait ancienne et elle est totalement liée à l’évolution de notre société.
S’il y a quelques dizaines d’années, le soignant et plus particulièrement le Médecin était la personne sachant incontestable et incontestée et le malade une personne subissant des soins qui lui étaient administrés par le savant, l’évolution sociale et encore les impératifs économiques ont bouleversé cette vision ancienne.
Nous évoquerons les nouveaux droits mais aussi les nouvelles responsabilités des usagers en étudiant le droit à l’information de l’usager (1ére partie).
Nous évoquerons par la suite la raison d’être de ce droit à l’information par le droit à la décision de l’usager (2ème partie).
Nous verrons enfin le droit d’accès aux informations détenues par les professionnels et les établissements de santé, autrement dit le droit d’accès au dossier médical (3ème partie).
Les textes fondateurs de cette nouvelle relation patient/soignant sont les suivants :
- Loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière
- Charte du patient hospitalisé (Circulaire N°95-22 du 6 mai 1995)
- Code de déontologie médicale de 1995
- Loi du 4 mars 2002 N°2002.303 (Loi KOUCHNER)
- Loi du 6 août 2004 N°2004-801
- Loi du 13 août 2004 N°2004-810
- Loi du 22 avril 2005 N°2005-370
- Ainsi que tous les décrets d’application de ces lois.
L’ensemble de ces textes a été repris dans le Code de la Santé Publique, nouvelle partie législative.
Vous pourrez utilement vous reporter à la lecture principalement des articles 1111-2 et 1111-3 du Code de la Santé Publique, de l’article 35 du Code de déontologie médicale, de la charte du patient hospitalisé, de l’avis du Comité consultatif national d’éthique du 14 septembre 1998 ou encore des recommandations destinées aux Médecins de mars 2000, de l’Agence Nationale d’accréditation et d’évaluation en santé.
Les textes traduisent en fait une évolution impulsée par la jurisprudence qui a débuté dans les années 70 et qui s’est renforcée à partir des années 1990.
1 – L’information due à l’usager
L’usager du système de santé a droit à une information qui doit lui permettre de prendre les décisions concernant sa santé (article 1111-4 du Code de la Santé Publique).
Reprenons pour éclairer le débat ce que nous dit le Code de la Santé Publique concernant cette information :
- Article L 1111-2 :
« Toute personne a le droit d’être informé sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leur conséquence, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus »
Il faut encore préciser que les textes prévoient aussi une information postérieurement à l’exécution des investigations et des risques nouveaux non identifiés.
- Enfin, le Code de la Santé Publique prévoit dans son article 1111-3 :
« Toute personne a droit à sa demande à une information délivrée par les Etablissements et Services de Santé Publique et Privée sur les frais auxquels elle pourrait être exposée. Les professionnels de santé d’exercice libérale doivent avant l’exécution d’un acte informer le patient de son coût, des conditions de son remboursement des régimes obligatoires d’Assurance Maladie ».
On voit à la lecture de ce texte que la Loi ne limite pas ce droit à l’information préalable mais couvre aussi l’éventuelle information postérieurement à l’acte et prévoit encore la nécessité pour les professionnels d’informer l’usager du coût qui pourrait être en définitive mis à sa charge.
a) la notion de risque normalement prévisible
La Loi limite cette exigence d’information aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles.
La difficulté résidera dans l’interprétation de ce que l’on entend par normalement prévisible.
Ce critère paraît s’opposer à celui qualitatif du risque exceptionnel qui était jusqu’à ce jour retenu par la jurisprudence de la Cour de Cassation ou du Conseil d’Etat
C’était en particulier des arrêts du 7 octobre 1998 qui posaient par principe que le côté exceptionnel du risque ne dispensait pas de l’information du patient.
Aujourd’hui, il apparaît que cette jurisprudence n’est plus d’actualité. Il convient donc de définir exactement ce que l’on doit entendre par normalement prévisible.
Cette expression doit renvoyer à la notion de « connaissance avérée » de l’article
L 1110-5 du Code de la Santé Publique c'est-à-dire reconnu comme vrai, notion que l’on peut rapprocher de celle de donnée acquise doit être préférée à la notion de donnée actuelle retenue par la Cour de Cassation
En référence à l’article L. 1110-5 du Code de la Santé Publique c’est la notion de connaissance avérée qui doit être retenue ou mieux encore : reconnue comme vrai par la communauté médicale ou la communauté des spécialistes, en tout cas, le risque doit être pris en compte dès le début de la période où il devient donnée avérée.
Cette notion a été confirmée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du février 2002.
On peut aussi se rapporter encore aux recommandations de l’Agence Nationale d’accréditation et d’évaluation en santé qui précise dans son document de mars 2000 que l’information donnée soit validée, par exemple par les sociétés savantes selon des critères de qualité reconnus.
On peut encore se reporter sur ce sujet à une méthodologie publiée par la haute autorité de santé en mars 2005 qui modélise la démarche à entreprendre dans le cadre d’un document écrit d’information dans l’élaboration de celui-ci.
b) la forme de l’information
Notons simplement que l’information délivrée à l’usager doit être simple, intelligible et appropriée selon les termes de la jurisprudence ou encore de l’article 35 du Code de déontologie médicale.
Le Code de la Santé Publique dans son article 1111-2 renvoie quant à lui à la haute autorité de santé et en particulier aux deux documents visés ci-dessus.
L’ANAES, dans son document de mars 2000, précisait que l’information doit porter tant sur des éléments généraux que sur des éléments spécifiques :
- De l’état du patient et de son évolution prévisible, ce qui nécessite des explications sur la maladie ou l’état pathologique et son évolution habituelle avec et sans traitement
- De la description et du déroulement des investigations des soins thérapeutiques des interventions envisagées et de leurs alternatives
- De leurs objectifs, leur utilité et des bénéfices escomptés
- De leurs conséquences et de leurs inconvénients
- De leur complication et de leurs risques éventuels, y compris exceptionnels
- Des précautions générales et particulières recommandées au patient.
Cette information doit être délivrée oralement lors d’un entretien individuel avec l’usager (article 1111-2 du Code de la Santé Publique).
Notons sur ce point que si la Loi donne la primauté à cet entretien individuel et orale, la Haute Autorité de Santé, tout comme l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé conseille de compléter cette information orale par une information écrite.
Cette préoccupation de l’écrit rejoint la jurisprudence mais encore les textes mêmes, l’un et l’autre stipulent qu’en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information était délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues par les textes.
La jurisprudence avait précisé par un arrêt de la Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile du 25 février 1997 que cette preuve devait être apportée par tout moyen.
Le texte nous dit lui aussi dans l’article L-1111-2 « cette preuve peut être apportée par tout moyen ».
Il n’y a pas de meilleur moyen que l’écrit.
c) le bénéficiaire de l’information
Ce sera évidemment le patient, cela peut aussi être dans les conditions de l’article 1111-6 du Code de la Santé Publique une personne de confiance désigné par le patient.
Loi consacre le droit reconnu par la charte de l’enfant hospitalisé d’une information des mineurs sur les actes et examens nécessaires à leur état de santé en fonction de leur âge et de leur faculté de compréhension et ce indépendamment de l’information des parents.
2 – Les exceptions au droit à l’information
Comme en toute matière bien française, une fois les principes posés, des exceptions sont avancées.
Notons qu’en l’espèce, ces exceptions sont totalement justifiées.
Des exceptions juridiques et déontologiques à l’obligation d’information, nous trouverons essentiellement l’urgence.
a) l’ urgence
Celle-ci est visée par l’article 1111-2 qui permet d’être dispensée de l’obligation d’information dans cette hypothèse.
Ce point ne doit pas poser de difficulté car il s’agit de la simple confirmation d’un règle déjà admise par le Code de déontologie médicale dans son article 41 ou encore l’article 3 de la charte du patient hospitalisé.
Cette urgence ne peut pas résulter du seul caractère indispensable d’un acte ou d’une intervention (Cass. Civ. 1e, 18 juil. 2000).
b) la capacité physique du patient
L’information n’est pas due si le malade est inconscient et est dans l’impossibilité de la recevoir.
Attention cependant, la Loi pallie partiellement à cette difficulté d’information par le recours à la personne de confiance évoquée ci-dessus.
c) la volonté de l’usager
La Loi pose encore en son article L.1111-2 que la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée.
Cependant, il doit être passé outre ce refus du patient d’être informé lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Dans tout ces cas le professionnel de santé doit prouver qu’il n’avait pas à délivrer cette information.
d) l’exception thérapeutique à l’obligation d’information.
Le Code de la Santé Publique reste taisant sur les exception d’ordre thérapeutique à cette obligation d’information si ce n’est l’urgence visée ci-dessus.
Cependant il nous paraît nécessaire de poser une autre exception.
L’article 35 du Code de déontologie médicale admet pour sa part : « toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. »
Cette limitation thérapeutique avait été, avant la Loi, admise par la jurisprudence, en particulier dans un arrêt du 23 mai 2000 de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation : « autorise le Médecin à limiter l’information de son patient sur un diagnostic ou un pronostic grave » dès que cette limitation est fondée sur « des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient ».
Cette pratique apparaît compatible avec la rédaction du Code de la Santé Publique puisque celui-ci prévoit, toujours dans l’article 1111-2 « l’information doit être faite dans le respect des règles professionnelles ».
Il renvoie ainsi explicitement aux règles de la déontologie.
Il est donc tout à fait vraisemblable que la jurisprudence maintienne sa position.
Il n’en reste pas moins, même si on admet l’existence de cette exception thérapeutique, il n’en demeure pas moins que la règle reste l’information, que le personnel de santé, débiteur de cette obligation d’information, sera débiteur de la preuve de celle-ci qu’il devra rapporter la preuve qu’elle a été utilisée dans l’intérêt du patient au regard de sa pathologie et de son évolution prévisible et de la personnalité du malade et ce pour lui permettre de prendre, avec le professionnel de santé compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
DAURIAC Eric
Avocat Associé
DAURIAC, PAULIAT-DEFAYE, BOUCHERLE, MAGNE, Invités permanents : anciens présidents
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