Comment se prescrit la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers ?
Publié le :
16/07/2021
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Pas de deux dans la prescription de la sûreté réelle pour autrui
Un tiers donne un bien en garantie de la dette d’un débiteur envers un créancier. Une sûreté hypothécaire est prise sur ce bien par le créancier.
A l’issue de l’engagement principal du débiteur la dette n’est pas remboursée.
Le créancier met en jeu la sûreté et poursuit le tiers. Celui-ci argue en défense de la survenance de la prescription faute par le créancier d’avoir agi dans les cinq ans de l’exigibilité de la dette, le débiteur ayant été admis entre temps au redressement judiciaire.
La cour d’appel lui donne raison au motif que si l’engagement était antérieur à la loi du 28 juin 2008 celle-ci avait réduit à cinq ans la prescription des obligations.
La cour de cassation casse au motif que le tiers n’étant pas personnellement engagé il ne pouvait être considéré comme une caution.
L’attendu est clair : « …la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, elle n’est pas un cautionnement. Limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire, prévue par le dernier texte pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil pour les actions personnelles ou mobilières. » (Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-12908).
C’est l’application de la jurisprudence bien établie depuis l’arrêt de la chambre mixte du 2 décembre 2005 (n° 03-18210) qui a déterminé que ce que l’on appelait faussement caution hypothécaire était en fait une sûreté pour autrui d’où elle déduisait que « Mais attendu qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas… ».
Pas d’engagement personnel donc pas de prescription de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Et pas non plus la prescription biennale de l’article L 218-2 du code de la consommation qui s’applique au contrat principal de prêt s’agissant d’un contrat entre un professionnel et un particulier.
Mais s’agissant d’agir en initiant des poursuites contre la garantie hypothécaire constituée de l’immeuble donnée par le tiers c’est celle de l’article 2227 du code civil qui est retenue par l’arrêt : « Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Cette solution implique une séparation stricte entre l’obligation personnelle du débiteur tenu à la dette et l’obligation réelle du tiers qui n’est pas tenu donc qui n’est pas caution.
La cour de cassation a élaboré tout un corpus jurisprudentiel pour refuser au tiers toute protection due à la caution.
Mais si la réforme en cours des sûretés prévoit le maintien de la sûreté réelle pour autrui elle l’assortit de règles protectrices destinées à contrer cette jurisprudence (voir l’article 2325 de l’avant-projet d’ordonnance renvoyant à plusieurs articles sur le cautionnement : 2300, 2302 à 2306, 2311 à 2316 et 2319 sont alors applicables »).
Ce qui fait que le créancier bénéficiaire d’une sûreté réelle pour compte de tiers sera soumis à de nouvelles obligations relevant du droit du cautionnement (notamment si le constituant est une personne physique) : une obligation de mise en garde (cf. projet art. 2300 du Code civil), une obligation d’information annuelle (cf. art. 2302 du Code civil), ou encore une obligation d’information en cas de défaillance du débiteur (cf. projet art. 2303 du Code civil).
En outre, le constituant se verrait octroyer les mêmes droits à recours que la caution avant et après paiement (cf. projets art. 2311 à 2316 du Code civil) et pourrait même être libéré de son engagement en cas de perte de son droit à subrogation contre le débiteur en raison de la faute de son créancier (cf. projet art. 2319 du Code civil). (Voir la critique de Yann Beckers avocat associé du cabinet Stephen Hartwood à Paris dans son article du 19 janvier 2021 : « Que faut-il retenir du projet de réforme du droit des sûretés « sur le site du cabinet).
La prescription n’est cependant pas remise en cause par ce projet.
Par contre la durée trentenaire n’est-elle pas théorique du fait que l’hypothèque s’éteint avec la créance comme l’a déclaré in fine récemment la même cour de cassation (Civ.3, 12 mai 2021, n° 19-16.514). Et du fait du délai butoir de 20 ans ?
Mais cet arrêt est relatif à la sûreté consentie par le débiteur, et non à celle inscrite sur un tiers non engagé personnellement. En effet l’hypothèque est dans ce cas un accessoire de la créance alors que donnée par un tiers elle n’est qu’en contemplation de celle-ci (terme délicieux et figuratif donné par Monsieur le Professeur Grimaldi lors de nos discussions dans le cadre de la première commission Grimaldi de réforme des sûretés de 2003 à 2005 ayant abouti à l’ordonnance du 23 mars 2006).
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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